Un écrivain dans sa ville [Jean-Claude Izzo]

Description

[Extrait]
On prend la mer. Pas n'importe laquelle, la Méditerranée. Puis on tourne le dos au large et on observe la terre. Pour Jean-Claude Izzo, ce n'est pas une balade mais un symbole. C'est de là, dit-il, qu'il faut regarder Marseille. De là que l'on peut espérer la sentir, la saisir. Se souvenir, se mettre dans le crâne que c'est la Méditerranée qui a mis au monde cette ville française. Qu'être marseillais - et fier de l'être -, c'est savoir que l'on n'est pas né là par hasard. Que l'on a tous des parents, des grands-parents qui, un jour, ont fui quelque chose, la faim, une dictature, des massacres. Par milliers, ils ont quitté leur pays : la Grèce, l'Arménie, l'Algérie, l'Italie, l'Espagne, le Maroc, l'Afrique noire, le Vietnam, ont tourné le dos à leur malheur, regardé devant eux, posé leurs valises, fait des enfants : ici, ils pourront vivre. Etre marseillais, français, et sourire.
Jean-Claude Izzo, cheveux au vent, ne contemple jamais sa ville d'en haut, de l'imposante bâtisse de Notre-Dame-de- la-Garde. Il l'embrasse " à hauteur d'homme ", par ses rues, ses quartiers, ses bars, ses librairies… Il se coule dans le regard de ces milliers d'hommes, de femmes, d'enfants qui, depuis des siècles, ont touché cette terre promise et fait de Phocée - fondée par des marins grecs 600 ans avant Jésus-Christ - un paradis aujourd'hui menacé.
La cinquantaine venue, à la manière d'un Manuel Vázquez Montalbán avec sa Barcelone, Izzo s'est fait écrivain de Marseille. Non pas pour broder de la belle littérature en col blanc (ce que certains lui reprochent), mais pour raconter tout bonnement sa ville, l'affectueuse et la tchatcheuse, la rieuse et la miséreuse, l'ensoleillée et la meurtrière. A L'Oursin, sur le Vieux-Port, mis en confiance par un petit blanc de Cassis et des fruits de mer, Izzo le réservé se lance, en brûlant beaucoup de Gitane.