Description

Résumé
Cet essai cartographique des pratiques spatiales d’un citadin fictionnel s’inscrit dans le cadre d’une analyse géo-littéraire du roman Total Khéops de J.-C. Izzo. La carte y est envisagée comme un appui de l’analyse et un moyen de visualiser des aspects de l’expérience spatiale du personnage. Au-delà des problèmes que pose la traduction d’une écriture textuelle en carte, une question centrale nous semble être celle du traitement d’informations spatiales dispersées dans le récit auxquelles on surimpose une logique géographique par la carte. Encore plus problématique est la représentation des ambiances urbaines par une cartographie conventionnelle.

[Extrait]
Ce que l’on désigne sous l’appellation de « cartographie littéraire » recouvre des intérêts pour la carte très différents selon qu’elle relève d’une poétique (la carte dans une œuvre littéraire) ou d’une critique littéraire (l’atlas de la littérature). C’est cette perspective que l’on a choisie dans le cadre non pas d’une géographie de la littérature telle que Franco Moretti ou, à sa suite, Barbara Piatti, l’ont profondément renouvelée, mais d’une « géo-critique » qui vise à montrer la contribution de la littérature aux savoirs de la géographie, particulièrement à la compréhension de la spatialité1. C’est précisément l’expérience spatiale du citadin fictionnel de Total Khéops2 qui fait l’objet de l’essai cartographique présenté ici.

Or, la cartographie d’un récit littéraire est problématique, non seulement parce qu’elle traduit un langage verbal en un langage graphique, mais parce qu’elle rapporte le territoire d’un personnage de fiction à la représentation conventionnelle du monde factuel. Même si l’on admet que l’univers de la fiction puise dans le monde réel, encore faut-il que la structure du récit et sa sémantique justifient la mise en cartes. La profusion des toponymes et des itinéraires d’un héros vraiment très mobile, comme c’est le cas dans Total Khéops, y invite assurément. Mais l’on objectera que le parcours est une figure attendue du genre policier, et que les contraintes génériques influencent la représentation de l’espace. On voit mal dès lors ce que nous apprendrait leur traduction cartographique. Une telle objection, cependant, renvoie moins à la mise en cartes du récit qu’à la possibilité d’une lecture géographique de l’espace romanesque.
[...]
Dans ce roman explicitement ancré dans la réalité marseillaise, la figuration de la ville parcourue et décrite par le héros pose des difficultés méthodologiques qui ne sont peut-être pas toutes spécifiques d’une cartographie littéraire. En effet, si l’on cesse d’opposer le fictionnel, confondu avec l’imaginaire, au factuel, le territoire du personnage de Total Khéops, en tant qu’il est un citadin, peut être représenté sur un plan de la ville. Pour autant, quel éclairage littéraire ou géographique apporte la représentation cartographique d’un parcours fictionnel ? A-t-elle une valeur heuristique, comme l’affirme Franco Moretti à propos des cartes qu’il dessine du Paris de Balzac ? On s’efforcera de répondre à ces questions dans le commentaire critique qui accompagne les cartes présentées dans cet article. Une première série de cartes vise à délimiter l’espace de la pratique citadine, en reportant tous les lieux de Marseille que le héros narrateur évoque (il y est ou il y est allé, quelque chose s’y passe ou s’y est passé, il en sait et en dit quelque chose) ainsi que les trajets dont la précision permet qu’ils soient représentés (figures 1 à 6). En localisant les parcours et les lieux cités, on a cherché à repérer si une logique géographique guidait l’énoncé des indications spatiales fournies au lecteur. Un deuxième ensemble de cartes s’attache à montrer la compétence géographique du citadin de la fiction (figures 7 à 9). Enfin, pour traduire graphiquement la géographie sensible du Marseille de Jean-Claude Izzo4, est présentée une ébauche de cartographie sensible (figures 10 à 12)5.

Titre

Cartographie du Marseille d’un héros de roman policier (Total Khéops de J.-C. Izzo)

Éditeur

Revue MAPPEMONDE, Numéro 121 · Articles

Date

07/2017

Langue

Sujet

MARSEILLE, IZZO

Droits

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