Description

Pierrot le Fou est considéré comme un précurseur du road movie
Bien qu'il ne soit jamais nommé, Arthur Rimbaud est constamment présent au travers de citations (principalement issues d'Une saison en enfer : « L'amour est à réinventer », « La vraie vie est ailleurs », etc., ainsi que la citation finale « Elle est retrouvée. Quoi ? — L'Éternité. C'est la mer allée Avec le soleil ». Rimbaud apparaît également dans un portrait en noir et blanc, orné de voyelles de couleurs, ce qui constitue une citation cinématographique. Enfin, l'attitude de certains personnages rappelle celle du poète et aventurier (Ferdinand et Marianne, désargentés, se refusent à travailler ; Fred fait du trafic d'armes en Afrique, leur fuite vers le sud, etc.).

Louis-Ferdinand Céline apparaît à travers la citation cinématographique de deux de ses deux romans : Guignol's Band et Le Pont de Londres. En outre, Ferdinand (dont le prénom fait référence à l'écrivain) évoque un voyage « au bout de la nuit ».

Le personnage de Pierrot le Fou fait également référence à la vie du peintre abstrait Nicolas de Stael, dont de nombreux tableaux sont « interprétés » par le chef opérateur Raoul Coutard, Pont-Neuf, Rouge, jusqu'à son suicide, dans le film avec des bâtons de dynamite de couleurs primaires.

[Déjà présente à sa façon dans À bout de souffle, la figure de Pierrot le fou est celle du hors-la-loi et de la cavale délinquante et amoureuse. Lorsque s’ouvre le film, Ferdinand, incarné par Jean-Paul Belmondo, est un homme installé dans une vie bourgeoise, marié à une riche héri­tière et père de famille. Alors qu’il se rend à une soirée mondaine, il croise son ancien amour de jeunesse, Marianne (Anna Karina), avec laquelle il s’enfuit plus tard en abandonnant femme et enfants. Marianne est impliquée dans un réseau de trafiquants d’armes et il y a un cadavre chez elle. S’ensuit une cavale à deux vers le sud de la France, marquée par des accidents de voiture, des véhicules volés, des pompistes assommés, des gangsters forcenés, des cadavres transportés, des échanges de coups de feu, des trafics d’armes et d’argent, des homicides, puis, après que dans une rixe il a tué son amante, par l’étrange suicide de Ferdinand, « réussi » bien que récusé, mais trop tard, par le protagoniste.
La trame policière initiale du récit de Lionel White, Obsession paru en France sous le titre Le démon d’onze heures, est totalement recouverte par une recherche désespérée et très rimbaldienne de l'amour fou et de l'aventure postromantique. Godard y retrouve le thème de la trahison par la femme que l'on aime d'A bout de souffle qu'il expérimentera à nouveau dans Prénom Carmen. Là de nouveau, un faux frère embarquera le pauvre Joseph qui recevra la même réponse à sa question "qu'est-ce que je dois faire", "-Tu ferras ce qu'on te dira".

Godard a supprimé la différence d'âge des héros du roman qui faisait de l'héroïne une Lolita. Ferdinand et Marianne ont ainsi le même âge dans le film. La première intention de Godard était d'engager un acteur américain et Sylvie Vartan. Quand il se tourne vers Belmondo, celui-ci est devenu un mythe mais il accepte de rejouer avec le cinéaste qui a fait de lui ce qu'il est en le rendant célèbre. Godard, avec un extrait du Grand escroc, fait aussi revenir le souvenir de Jean Seberg.

Belmondo est alors connu pour son courage à exécuter lui-même ses cascades. Pourtant, lors du premier tournage avec le train où il doit rester dans le même plan, il s'en va avant. Cinq ou six jours après, Godard utilise une plus courte focale, 35 au lieu de 50, pour donner l'impression que Ferdinand est plus près des rails.

Même si durant tout le film, ils sont toujours deux avec, pour seule exception, la fois où Marianne exprime son ras le bol. Ils sont néanmoins différents : lui arrête l'action, contemple, écrit alors qu'elle est en mouvement. On retrouve la réflexion sur le couple menée par Godard : tout oppose l'impulsive Marianne, qui préfère les disques et la danse à l'intellectuel Ferdinand qui préfère la lecture et l'écriture. Cette opposition était déjà celle de Camille et de Paul dans Le Mépris alors que, dans A bout de souffle, Patricia était l'intellectuelle et Michel l'impulsif.

Le seul moment de plénitude est, au debut de leur séjour sur l'ile, quand Marianne pêche les poissons et Ferdinand tire à l'arc sur d'éventuels oiseaux hors champs. Ils semblent retrouver là le monde des origines, sans paroles. Le temps s'arrête comme l'arrivée dans l'ile dans Monika, la séquence météorologique où les jeunes amants ne se parlent pas. Ensuite le langage les sépare. Le commentaire en voix off où les amants se retrouvent à la fin est inspiré de celui de la fin de L'impératrice Yang Kwei-fei de Mizoguchi. L'homme et la femme, irréconciliés, ne peuvent se retrouver, apaisés, que dans l'éternité de l'art, l'éternité de la poésie de Rimbaud alliant le soleil avec la mer.

La seconde partie de la citation initiale d'Elie Faure qui ouvre le film disait l'inéluctable fin pessimiste d'un monde à l'agonie :

Le monde où il vivait était triste. Un roi dégénéré, des infants malades, des idiots, des nains, des infirmes, quelques pitres monstrueux vêtus en princes qui avaient pour fonction de rire d'eux-mêmes et d'en faire rire des êtres hors la loi vivante, étreints par l'étiquette, le complot, le mensonge, liés par la confession et le remords. Aux portes, l'Autodafé, le silence.. Un esprit nostalgique flotte, mais on ne voit ni la laideur, ni la tristesse, ni le sens funèbre et cruel de cette enfance écrasée. Velázquez est le peintre des soirs, de l'étendue et du silence. Même quand il peint en plein jour, même quand il peint dans une pièce close, même quand la guerre ou la chasse hurlent autour de lui. Comme ils ne sortaient guère aux heures de la journée où l'air est brûlant, où le soleil éteint tout, les peintres espagnols communiaient avec les soirées."

Ferdinand le pressant en quittant Paris "De toute façon, il était temps de sortir de ce monde dégueulasse et pourri. Reconnaissant deux des siens, la statut de la liberté nous adressa un salut fraternel". Puis, en descendant vers le sud "Je regarde le visage d'un type qui va se jeter à cent à l'heure dans un précipice... Je sens l'odeur de la mort dans les arbres, le paysage, les visages de femme, les autos".

Si ce destin tragique pèse sur les personnages, Godard tire parti du hasard de la présence de la princesse Aicha Abadir, reine du Liban en exil et demande à Raymond Devos un exerce mental et drôle avant l'épilogue tragique sur l'île de Porquerolles.
[Source wikipedia]

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