Description

[ Extrait - Poème]
Le naufrage de la Grive.
Poros, 31 octobre 1946.

Ce bois qui jadis rafraîchissait mon front

Aux heures où midi enflamme les veines

Va fleurir en des mains étrangères. Prends-le, je te le donne.

Vois, c’est un bois de citronnier..." J’ai perçu cette voix

Comme je regardais la mer en essayant de distinguer

Un bateau coulé voici longtemps.

Il s’appelait "La Grive", une petite épave : les mâts

Brisés, ondulaient tout au fond comme des tentacules,

Des souvenirs de rêves, désignant la coque

Museau trouble de quelque poisson, mort,

Evanoui dans l’eau. Un grand calme régnait.

.

Et d’autres voix peu à peu la suivirent,

Murmures frêles et assoiffés

Qui sortaient de l’autre côté du soleil, l’obscur,

Comme si elles cherchaient à boire ne fût-ce qu’une goutte de sang.

Elles m’étaient familières, mais je ne parvenais pas à les reconnaître.

Puis vint la voix du vieil homme, et celle-là je la sentis

Choir dans le coeur du jour

Calme, comme immobile :

" Et si vous me condamnez à boire du poison, je vous dirai merci.

Votre justice sera la mienne. Où aller

Errant dans des pays étrangers, pierre ronde ?

Plutôt mourir.

Le choix le meilleur, le dieu seul le connaît. " *

.

Pays du soleil qui ne pouvez supporter la vue du soleil.

Pays de l’homme qui ne pouvez supporter la vue de l’homme.

Titre

Poèmes

Éditeur

Edition Mercure de France, Paris (FR)

Date

1987

Droits

Non libre de droits