Description

Article scientifique
[Résumé]
À quatre reprises, Flaubert se promène sur les bords de la Méditerranée et à chaque fois ses escapades se transforment en opportunité heureuse offerte à la satisfaction d’une esthétique de l’échappatoire. Le voyage hors de la Normandie natale s’établit dans une dimension initiatique : il s’agit d’accéder à la maturité en s’affirmant dans une indépendance définitive. Mais le voyageur Flaubert reste cependant un esthète en quête de découvertes culturelles : le bassin méditerranéen lui permet de rencontrer de visu l’héritage gréco-latin et judéo-chrétien. C’est un bonheur sans nom. Partagé entre la rencontre d’une nature exubérante et d’une culture exceptionnelle, Flaubert va cependant essayer de laisser la parole au corps en favorisant une tentative nouvelle de symbiose entre la nature et la culture. Pour l’écrivain de Croisset, l’expérience méditerranéenne reste unique.
[Riassunto]
Quattro volte Flaubert cammina sulle rive del Mediterraneo e ogni volta le sue scappatelle si trasformano in felice opportunita offerta alla soddisfazione di una ricerca esthetica. Il viaggio fuori della Normandia natale si instaura in una dimenzione iniziatica : si tratta d’accedere alla maturità affermando un’ independenza definitiva. Ma il viaggiatore rimane un esteta in cerca di scoperte culturali : il Mediterraneo gli permette d’incontrare l’eredita greco-latina e giudaico-cristiana, coi propri occhi. È una felicita senza nome. Combattuto tra la riuniona di una natura esuberante e una cultura unica, Flaubert cerca di dare la parola al corpo attraverso la promozione di un nuovo tentativo di simbiosi tra natura e cultura. Per lo scrittore del Croisset, l’esperienza del Mediterraneo resta unica.
[Extrait]
À plusieurs reprises, Flaubert le Normand, qui se portraiture volontiers en Viking, quitte ses terres natales pour de longs périples méditerranéens. Avec ses parents, le jeune homme accompagne sa sœur dans son voyage de noces en Italie, au printemps 1845, alors qu’il a d’abord été récompensé de son baccalauréat par un séjour en Corse à l’automne 1840. Un peu plus tard, il entreprend volontiers un long périple dans tout le bassin méditerranéen avec son ami Maxime Du Camp, effectuant ainsi leur grand Tour entre 1849 et 1851, puis il ira seul, en avril 1858, sur les côtes nord-africaines, notamment à Carthage, pour écrire Salammbô… De fait, la Méditerranée joue un rôle incontestable dans la formation sensible de l’homme et la construction de l’imaginaire du romancier.
Trois motivations principales peuvent être envisagées à l’origine de ces promenades méditerranéennes. La première voit dans le fait de quitter la Normandie et de partir loin, pour le (grand) Sud, une possibilité bienvenue de grandir et de s’épanouir dans une indépendance nouvelle. En effet, le voyage s’affirme synonyme d’échappatoire : le jeune homme s’affranchit du contrôle familial, il découvre l’amour dans les bras d’Eulalie Foucaud à Marseille… Puis, allant jusqu’en Corse, ou ailleurs, il rencontre d’autres modes de vie, une relation différente à la Nature, une nouvelle façon d’être. Le Sud méditerranéen devient le lieu d’une sensualité exacerbée dans un rapport au temps transformé. C’est aussi en Italie qu’il voit pour la première fois un tableau de Breughel, La Tentation de saint Antoine, qui lui inspirera son fameux récit… Par conséquent, la deuxième motivation à ces quatre grands voyages en Méditerranée est à comprendre dans l’opportunité pour Flaubert de s’abandonner aussi au développement de son imaginaire quand la Normandie l’inscrit, sinon l’enferme, au contraire, dans un réalisme absolu. La Méditerranée se confond avec son patrimoine gréco-romain pour lequel l’artiste en devenir éprouve une vive admiration teintée d’une mélancolie sans fin face à un passé perdu à jamais. La Méditerranée de Flaubert est alors ouverture à d’autres civilisations. Sensible aux paysages visuels et olfactifs qu’il parcourt, à la chaleur méditerranéenne, l’écrivain que le jeune homme est devenu laisse son inspiration se métamorphoser : il se rend à Carthage qui devient alors le symbole même d’une écriture de la civilisation rêvée et recréée, le symbole du pouvoir des mots enfanté par des lieux différents. Enfin, par-delà la double opportunité de grandir et de rêver offerte au Normand, la Méditerranée signifie la conception d’une autre forme de bonheur, plus physique et moins intellectualiste. La Méditerranée est le lieu d’une sexualité libre sinon débridée, l’occasion d’un abandon à l’oisiveté et à la prise de distance d’avec une vie bourgeoise honnie par le jeune artiste en devenir et l’écrivain reconnu, une autre manière de considérer son corps jusque dans le rapport à l’alimentation.

Table des matières

La dimension initiatique d’une découverte de la Méditerranée
Un voyageur esthète en quête de découvertes culturelles
La parole laissée au corps : tentative de symbiose entre la nature et la culture

Titre

La Méditerranée de Flaubert : une esthétique de l’échappatoire

Éditeur

Babel, Littératures plurielles

Date

2014

Langue

Format

N°30, p. 77-93

Source

Lire l'article sur OpenEdition (consulté le 10 février 2023)

Droits

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