Femmes d'Alger dans leur appartement
Description
Scène de genre. Romantisme
La toile Femmes d’Alger dans leur appartement représente trois jeunes femmes en costumes d'intérieur vaporeux et richement brodés éclairées par la lumière douce d'une fenêtre située à gauche. Allongées ou assises sur un tapis autour d'un narguilé et d'un kanounnote (Un kanoun est une poterie creuse, en terre cuite, utilisée comme un brasero, pour la cuisson des aliments au charbon de bois. Sa forme, avec des bords échancrés, permet de poser sur cet outil de cuisson, des récipients pour la préparation des plats, ou des produits à cuire directement sur les braises (maïs), l'encens. Ils sont très répandus en Afrique de l'Ouest (Sénégal, Mali) et en Afrique du Nord, pour les cuisines marocaines, algériennes ou tunisiennes.), elles se prélassent sur des coussins posés à même le sol. Une femme noire, probablement une servante, porte une veste courte bleue. Elle s'apprête à sortir. Derrière elle, accrochée au mur la formule "Mohamed rassoul Allah" est inscrite sur un panneau en faïence bleu et blanc, ce qui semble indiquer un intérieur musulman.
Le décor somptueux du harem ou du gynécée est constitué de tentures et de tapis, de verrerie de Murano au-dessus du placard rouge entrouvert, et de murs recouverts de faïence ornés d'un motif floral mordoré baigné dans un clair-obscur.
Le visage des femmes exprime la voluptueuse langueur des odalisques orientales. Elles sont vêtues, à la mode algéroise, de chemises en étoffe fine, blanche, unie, fleurie ou jouant sur des textures mates et brillantes. Portées ouvertes sur le devant jusqu'aux genoux, elles cachent le haut des serouels d’intérieur en satin et brocart, de type court, amples et serrés à mi-mollet par une jambière. Celle de gauche, la ceinture lâche et éloignée du corps, a une ghlila, veste sans manches, cintrée et évasée sur les hanches en velours grenat, décorée de galons, de boutons de passementerie et sous les seins, d’appliques triangulaires brodées en mejboud, de fils d’or, de paillettes et de canetilles. Les autres portent une frimla, petit corsage dérivé de la première, qui pallie la transparence, soutient la poitrine et retient les manches. Par-dessus ces chemises est nouée au niveau des hanches la fouta, pagne soyeux orné de bandes rayées. Les trois femmes ont la tête couverte par une meherma, carré de soie sombre, frangé et tissé de fil d’or, signe distinctif des femmes mariées. Elles portent des bracelets de bras et des khelkhels (bracelets de pied) Sur le sol gisent trois babouches.
"En 1832, Eugène Delacroix fait un unique voyage au Maroc et en Algérie. Il y accompagne le comte de Mornay, envoyé spécial de Louis-Philippe auprès du sultan Moulay Abd el-Rahman. Il en rapporte des livrets de croquis et d’aquarelles qu’il exploite longtemps. À Alger, il est autorisé à visiter le harem d’un corsaire turc, une révélation qui lui inspire Femmes d’Alger dans leur appartement, chef-d’œuvre qu’il expose au Salon de 1834. Avec son voyage en Afrique du Nord, le répertoire esthétique d’Eugène Delacroix s’enrichit de motifs nouveaux qui deviennent récurrents dans son œuvre au cours des années suivantes. Il préfère désormais l’exploitation des sources orientales aux sujets tirés de la mythologie et de l’érudition. [...]
Objet de curiosité et de fantasmes aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’Orient devient, "pour les intelligences autant que pour les imaginations, une sorte de préoccupation générale" (Victor Hugo, préface des Orientales, 1829) au siècle suivant. Son luxe, son mystère, l’exotisme dont il est auréolé, alimentent le rêve du Levant qui inspire les écrivains et les artistes.
"Le voyage d’Alger devient pour les peintres aussi indispensable que le pèlerinage en Italie : ils vont apprendre le soleil, étudier la lumière, chercher des types originaux, des mœurs et des attitudes primitives et bibliques", constate Théophile Gautier. Écrivains et artistes se muent en explorateurs, profitent des charges consulaires ou commerciales qui leur sont confiées pour voyager, se documenter, étudier les cultures, les mœurs et l’univers familier de cet Orient mythique. Ils suivent les missions scientifiques des universitaires orientalistes. Leurs enquêtes les mènent à Alger, au Caire ou à Constantinople. Cependant, nombre de peintres ne foulent jamais la terre d’Orient et ne voyagent qu’autour de leur chevalet en s’inspirant de récits de voyages faits par d’autres. C’est le cas, entre autres, d’Antoine Jean Gros (1771-1835), de Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867), de Francisco Hayez (1791-1882) ou de John Martin (1789-1854), qui sacrifient néanmoins à la mode orientaliste.
Scènes de harem présentant des femmes alanguies et lascives, scènes viriles de chasse ou de combat, descriptions de paysages typiques – déserts, oasis ou villes orientales –, scènes de rue, tels sont les principaux sujets abordés par les peintres, qui mettent l’accent sur certains détails : les costumes, les particularités de l’architecture, les objets de la vie quotidienne et l’habitat. Autour de 1880, certains thèmes – celui du harem, par exemple – tombent en désuétude au profit d’une étude ethnographique réaliste qui laisse peu de place à l’exotisme et au fantasme.
Au début du XXe siècle, l’Orient cessa peu à peu d’inspirer la peinture française malgré l’ouverture à Alger, en 1907, de la villa Abd el-Tif, équivalent algérien de la villa Médicis. L’indépendance de l’Algérie en 1962 et la fermeture de cette institution sonneront le glas du courant orientaliste."
Source : Alain GALOIN, histoire-image.org, 2007
Titre
Femmes d'Alger dans leur appartement
Créateur
Éditeur
Musée du Louvre (Paris). Département des peintures
Date
1834
Format
Huile sur toile
Dimensions
180 x 229 cm
Place
Source
Wikimedia Commons (consulté le 02/12/2020)
Droits
Libre de droits