Quand le jardin révèle un imaginaire du paysage méditerranéen. Les Colombières de Ferdinand Bac.
Description
[Résumé]
Cet article analyse le rôle de l'imagination, faculté mentale de transformation de la réalité, dans l'œuvre du paysagiste Ferdinand Bac (1859-1952) ainsi que son apport à la constitution de l'imaginaire du paysage méditerranéen au XXe siècle. Dans son œuvre maîtresse, le jardin des Colombières créé à Menton en 1925, Bac appliqua ses principes de rénovation d'un art méditerranéen, rompant avec la tendance au pastiche et à l'exotisme alors en vogue sur la Côte d'Azur. Puisant dans l'art et la littérature et dans ses souvenirs de voyage, il recréa dans son jardin des scènes paysagères évoquant la Grèce antique, l'Empire romain, l'Espagne arabe et catholique et l'Italie de la Renaissance. Ce faisant, il contribua à son tour à enrichir l'imaginaire du paysage méditerranéen. La fortune critique de son jardin, qui rayonna hors des limites de l'Europe, fera de Bac l'instigateur d'un nouveau style d'art des jardins, le jardin méditerranéen
[Extrait]
L'apport de Ferdinand Bac
À l'imaginaire méditerranéen
Au-delà d'un lieu de villégiature agréable pour ses propriétaires qui jouent aux humanistes de la Renaissance, les Colombières portent en elles un projet de refondation culturelle. « Des choses renaissent qu'on croit mortes » : ce vers de Lucrèce que Bac inscrit en latin sur le bassin de marbre blanc entourant l'obélisque pourrait être la devise du paysagiste. Celui-ci aurait le pouvoir de ramener à la vie, au moins dans quelques lieux destinés à accueillir cette renaissance : les jardins, ce qui a été perdu ou seulement recouvert par la modernité rationnelle et positiviste. Pour lui, les rives de la Méditerranée sont encore le séjour des nymphes et des dieux.
Bac met en forme le site pour qu'il révèle sa géographie millénaire. Il souhaite rendre sensible la latinité du paysage méditerranéen et se démarque clairement de la tendance à l'acclimatation des végétaux exotiques menée sur la Côte d'Azur depuis plusieurs décennies. C'est pourquoi il bannit le gazon et le palmier - qu'il surnomme le « balai des tropiques12 » - et valorise des plantes natives comme l'olivier, le chêne vert, le laurier et le cyprès, cet « arbre vénérable » auquel il consacre un éloge et qu'il espère réintroduire sur le littoral méditerranéen : « Les temps ne sont-ils pas venus où cet arbre immortel devra faire sa rentrée dans les belles cités de Dionysos et jalonner ce qui reste de ce rivage ? » En 1922, il critique la mode initiée par Henry Brougham, fondateur de la colonie des hivernants britanniques, à l'origine du lancement de Cannes en 1834 : « Depuis le jour où Lord Brougham planta le premier palmier dans son jardin de Cannes, il y a bientôt cent ans, la villa méditerranéenne reçut une direction exotique qui rompit avec toutes les traditions naturelles du sol. » Membre de la Société d'horticulture de Cannes, Lord Brougham se passionne pour l'acclimatation des essences exotiques, en lien avec le jardin botanique du Lycée impérial de Nice. Les Colombières redonnent au contraire leur place aux espèces végétales typiquement méditerranéennes : on y trouve des pins, des citronniers, des lauriers-roses, notamment le long de l'allée des Jarres qui relie le caroubier au pont de la Carrière ; ou encore des cyprès comme ceux entourant le bassin espagnol qui rappellent les cyprès de la sultane du jardin du Généralife de Grenade.
[...]
Conclusion
Ferdinand Bac a donné une forme concrète à un imaginaire du paysage méditerranéen en l'incarnant dans ses jardins. En effet, les images mentales de la Méditerranée millénaire y côtoient les souvenirs de voyage de l'artiste et les éléments naturels qu'il a choisi de conserver. De plus, l'œuvre de Bac représente un jalon dans l'histoire de l'art des jardins au XXe siècle puisqu'elle contient certains principes dont s'inspireront les architectes-paysagistes ultérieurs qui créeront des jardins parfois loin du berceau de la mer Méditerranée. Le retour à l'histoire ouvrit donc la voie à la modernité ; la marche joyeuse d'Homère et de Palladio les conduisit jusqu'en Amérique.
Table des matières
Du réel au rêve – et retour : un jardin ancré dans un site porteur d’un imaginaire que le paysagiste a pour mission de révéler
L’apport de Ferdinand Bac
À l’imaginaire méditerranéen
À l’art des jardins
Conclusion
Collection
Titre
Quand le jardin révèle un imaginaire du paysage méditerranéen. Les Colombières de Ferdinand Bac.
Titre Alternatif
in Revue "Projets de paysage", Dossier Paysage, Paysages et imagination
Créateur
Éditeur
http://www.projetsdepaysage.fr
Revue scientifique sur l'aménagement de l'espace
Date
14/07/2016
Langue
Place
Couverture temporelle
Sujet
Jardin méditerranéen
Format
N°14
Source
Droits
Non libre de droits