Description

[Extrait]
"La présence de la Méditerranée dans la pensée et l’œuvre de Camus est de l’ordre de l’évidence. Une présence biographique et géographique, tout d’abord : l’Algérie, bien sûr, et surtout Alger, Oran, ou Tipasa ; mais aussi l’Italie ou les Baléares, convoquées dès L’Envers et l’endroit ; la Provence et le Lubéron, cet « énorme bloc de silence » qu’il « écoute sans répit1 » ; la Grèce, longtemps rêvée, enfin découverte en 1955. Une présence sensuelle, charnelle, intimement liée à la réalité des paysages, au soleil, à la mer, aux plages, aux parfums et aux couleurs d’une végétation particulière – absinthes, lentisques, caroubiers, hibiscus, bougainvillées... Les pages lyriques de Noces ou de L’Été rendent perceptible le bonheur du corps, de l’être physique en accord avec le monde méditerranéen qui l’entoure, qui le pénètre, à qui il se donne tout entier, en qui il s’accomplit. Camus célèbre ces « noces avec le monde2 » ; et ce qu’il appelle « le monde » n’a rien d’abstrait ni de vague : c’est « ce soleil, cette mer » qui règnent à Tipasa, c’est le silence et le vent à Djémila, les collines de Provence, « le ciel d’un bleu intense et aéré3 » au-dessus de Vicence, les soirs d’Alger peuplés de martinets.
Le monde méditerranéen est beaucoup plus qu’un décor ou même un lieu de vie : il est une manière de sentir et de vivre. On sait la place que tient Alger dans L’Étranger ou Oran dans La Peste ; il ne s’agit pas seulement des villes où se situent les romans ; elles jouent un rôle dans le déroulement de l’action, elles pèsent sur Meursault ou Rieux, dans leur topographie réelle, leur climat, les conduites qu’elles induisent ; et la description, à la fois ironique et attendrie que Camus fait des habitants d’Alger ou d’Oran et de leur mode d’existence, dans « L’Été à Alger4 », dans « le Minotaure ou la halte d’Oran5 », ou dans le « Petit guide pour des villes sans passé6 » vise à les montrer dans leur réalité la plus quotidienne : leur goût des plaisirs immédiats, leur absence de préoccupation métaphysique, puisqu’ils misent tout « sur la chair », leur morale « particulière » et ses « commandements élémentaires » : « on ne ‘manque’ pas à sa mère », on « fait respecter sa femme dans les rues », on évite tout ce qui « fait vilain », sous peine de mériter l’injure suprême : « il n’est pas un homme7 ».
4 Noces, E, pp. 67-77.
5 L’Été, E, pp.809-832.
6 L’Été, E, pp.845-850.
7 E, p. 72.

Titre

La Méditerranée d’Albert Camus : une mythologie du réel

Titre Alternatif

dans Rythmes et lumières de la Méditerranée

Éditeur

Presses universitaires de Perpignan (PUP)

Date

2003

Langue

Sujet

Camus et la Méditerranée

Format

Article scientifique, p. 267-276

Source


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Droits

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