Description

[Résumé]
À partir d’un champ historiographique en plein essor, cet article souhaite questionner la manière dont il est possible d’analyser des pratiques d’écriture féminine dans une Méditerranée de la longue durée où l’hétérogène acquiert une valeur heuristique. Les récits de soi, des diverses possibilités de dire « je » qui s’emparent de la subordination féminine jusqu’à la déconstruction de catégories prétendues naturelles telles les appartenances à un sexe donné, à une société plus ou moins individualiste, à une aire culturelle étanche, sont autant de ressources permettant de décrire les formes genrées de l’individuation, de mesurer leur degré d’autonomie, de sonder leur capacité émancipatrice.

From the perspective of a historiographical field in full development, this article studies the way by which it is possible to analyse the practice of women’s writing in the Mediterranean over the longue durée where heterogenity acquires heuristic value. Self-narratives, the diverse possibilities of saying « I » which run the gamut from feminine subservience to the deconstruction of so-called natural categories such as belonging to a given sex, to a more or less individualistic society or to an enclosed cultural space are means by which one may describe gendered forms of individuation, measure their level of autonomy, explore their emancipating capacity.

[Extrait]
"De la Provence moderne au Maroc contemporain, de nombreux chercheurs en sciences humaines et sociales ont déploré le peu d’écrits que les femmes ont laissés sur elles-mêmes. Un accès plus tardif à l’écriture et à l’éducation, une relégation dans la sphère domestique où le temps manque pour revenir vers soi, des normes morales qui n’encouragent guère les femmes à parler d’elles-mêmes : de nombreux éléments semblent concourir longtemps à maintenir les femmes dans le silence, ou du moins à ne pas « publier » leurs voix. Cependant, ces femmes s’emparent, dès qu’elles le peuvent, des instruments du récit de soi, par exemple des genres dits « pré-esthétiques » tels que les journaux ou la correspondance, ou des genres littéraires du « je », comme la poésie. Les actes d’un colloque tenu à Oran en 2006 sur Écriture féminine : réception, discours et représentation commencent par le constat d’un essor des femmes sur la scène littéraire, associé à de multiples enjeux de visibilité et de transgression : le fait même d’écrire semble déranger l’ordre établi. Ce dérangement conduit à analyser les conditions de possibilité et le pouvoir des récits féminins de soi, au croisement du processus d’individuation entendu comme la présence subjective de l’individu à lui-même et des processus d’identification à un ou des collectifs qui fondent socialement l’économie des régimes d’appartenance."

Table des matières

Le récit de soi : un savoir réflexif de l’individu sur lui-même et le monde ?
Assignations
Une éducation subalterne inégale et normative
Une incorporation des rôles sociaux associés à la sphère domestique
Écritures et paroles des femmes : l’imaginaire d’un déficit ontologique ?
Appropriations
Aux marges des discours autorisés : espaces de liberté et d’invention ?
Des médiations conjoncturelles : le changement des configurations normatives
Le besoin de se dire : souffrance et justification à la racine du récit de soi ?
Action
Les récits ont-ils du pouvoir ?
Réflexivité critique : construction d’une conscience de genre ?
De la réflexivité à l’action sur le monde : tout un programme ?
Conclusions provisoires. Genre, temporalités, espaces : les apports attendus du comparatisme ?

Titre

Femmes et récits de soi. Un champ méditerranéen entre assignations, appropriations et action (XVIe-XXIe siècle) ?

Titre Alternatif

in Récit de femmes en Méditerranée

Éditeur

Revue Rives méditerranéennes,

Date

2016, n°52

Langue

Format

p. 15-33

Identifiant

https://doi.org/10.4000/rives.4972

Source

Droits

Non libre de droits

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