Street art contestataire et revendicatif dans l’Espagne du début du xxie siècle : formes et pouvoir d’un engagement esthétique, social et politique (Doctorat)
Description
[Extrait du résumé]
Le street art pourrait-il constituer une nouvelle modalité d’engagement en Espagne ? C’est une des questions autour desquelles s’articule ce travail de thèse. À partir des années 2000, une forme d’occupation de l’espace public a commencé à se propager. Elle est communément identifiée par le syntagme générique « street art ». Néanmoins, cette locution présente l’inconvénient de ne pas différencier les interventions de commande –fresque occupant la façade d’un immeuble ou peinture sur le rideau de fer d’un magasin– des interventions spontanées, réalisées sans instruction et sur les moyens financiers de l’auteur. C’est pourquoi certains chercheurs, comme Javier Abarca, se sont attachés à la caractériser davantage. Ainsi, parlera-t-on d’art public indépendant lorsque l’artiste n’est soumis à aucun filtre extérieur et travaille librement dans la rue. Il choisira l’emplacement, le thème de son intervention ou encore le matériel utilisé. C’est ce versant qui nous intéresse ici. Notons que, bien que certains artistes aient commencé à utiliser la rue comme lieu d’exposition avant les années 2000, c’est à partir du xxie siècle que l’art public indépendant connaît un essor significatif. Si tous les artistes publics ne sont pas issus du graffiti Hip Hop, on observe, dans les années 2000-2002, un glissement de cette pratique cryptique vers des interventions plus consensuelles. Le travail du Niño de las Pinturas, à Grenade, offre un exemple de cette évolution avec l’intrusion de certains codes du graffiti –lettrage particulier, personnages caractéristiques, signes iconiques redondants comme l’horloge ou encore la bombe de peinture– dans ses compositions narratives. Par ailleurs, le développement de l’art public coïncide, en Espagne, avec une montée des formes alternatives d’engagement de la société civile. Rappelons que la décision d’envoyer des troupes militaires espagnoles en Irak et en Afghanistan avait généré une contestation très vive, qui avait parfois adopté des tournures iconiques. Ainsi, le message « No a la guerra » apparaissait-il suspendu aux balcons, symbolisé par un missile barré, sans aucun paratexte pour l’accompagner. La société espagnole de ce début de siècle est donc caractérisée par cette double intrusion dans l’espace public : celle d’interventions artistiques spontanées et celle de manifestations citoyennes alternatives. Or, peu à peu, ces deux versants ont fusionné, jusqu’à donner naissance, sur les murs de la péninsule ibérique, à une iconographie de la contestation et de la revendication. Ce travail se propose donc de définir les contours de l’art public engagé, d’explorer les différentes formes qu’il adopte en Espagne et de mesurer les éventuels pouvoirs dont il pourrait se prévaloir. Dans une première partie, nous tâchons de comprendre ses origines, ses moteurs et les conditions de son existence. Pour commencer, des liens de filiation sont tissés avec d’autres formes d’expression murale. Cette approche par analogie et par opposition permet de cerner davantage cette pratique hybride, à la croisée de l’art du Paléolithique, du muralisme, de l’art brut, du graffiti Hip Hop, des écrits publics subversifs – pintada, papelógrafo ou pixação – et de différents éléments de la culture populaire. Le travail de caractérisation de cet objet d’étude et les éléments convoqués par notre problématique –engagement, citoyenneté, espace public, postmodernité– nous amènent également à explorer différents champs conceptuels et à nous intéresser à certaines théories politiques, artistiques, sociologiques et anthropologiques. La deuxième partie de ce travail propose de commenter certaines des revendications mises en images dans l’espace public espagnol et regroupées dans trois grands sous-ensembles thématiques : le militantisme culturel, les revendications sociales et la contestation politique. Le premier versant s’intéresse à la transcendance iconographique et aux clins d’œil interpicturaux. Si le terme de « militantisme » a été retenu, c’est parce que l’occupation de la rue traduit une volonté de favoriser un accès populaire à l’expérience esthétique et de s’affranchir d’un certain nombre de règles liées au marché de l’art. Ainsi, certaines interventions manifestent-elles une forme de rejet d’une culture dominante et des circuits artistiques professionnels, considérés comme hermétiques voire élitistes. L’espace public est revendiqué comme tel et devient une scène d’auto-promotion, les artistes se passant de tout intermédiaire entre leur production et le récepteur. L’étude de notre corpus, qui compte un peu plus de 1200 photographies, a fait émerger un deuxième axe thématique s’articulant autour de la contestation sociale. L’espace public expose une galerie de portraits qui encourage à porter un regard différent sur l’humain. Les figures érotiques de Borondo ou les esquisses spectrales de Suso33 viennent questionner notre rapport à la ville et notre façon d’interagir avec nos semblables. Parfois, ces interventions artistiques spontanées constituent un outil qui permet de dénoncer certaines injustices ou de défendre des catégories sociales spécifiques, sous-estimées, moquées ou exposées à des jugements partiaux, comme c’est le cas, par exemple, des femmes, des vieillards, des étrangers ou des homosexuels. Ce second chapitre s’intéresse donc aux revendications sociales mises en image et exposées dans l’espace public espagnol. "
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Titre
Street art contestataire et revendicatif dans l’Espagne du début du xxie siècle : formes et pouvoir d’un engagement esthétique, social et politique (Doctorat)
Titre Alternatif
Street art contestatario y reivindicativo en la España de principios de siglo xxi: formas y poder de un compromiso estético, social y político
Contributeur
Image: Yipi Yipi Yeah, « Amor torero », Madrid, quartier de Lavapiés, 06.04.2013.
Crédits Guillermo de la Madrid 1 (Photographe)
Éditeur
Cahiers de civilisation espagnole contemporaine [Online], 15 | 2015, Online since 14 January 2016, connection on 11 January 2022. ;
Date
2015-2016
Langue
Sujet
Street Art, Espagne
Format
Doctorat
Identifiant
https://doi.org/10.4000/ccec.6033
Source
OpenEdition
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Droits
Non libre de droits