Description

[Présentation éditeur]
Un homme jeune, très jeune, commet un jour sans le vouloir un acte irréparable, et dès cet instant la vie sera pour lui une longue cavale qui le mènera de Verdun à Paris, de Paris à Marseille, de Marseille en Corse, de Corse en Italie, d'Italie au Monténégro, du Monténégro en Turquie, de Turquie en Grèce, et enfin de Grèce à Marseille, dans l'immédiat après-Mai 68, où il découvrira en tant qu'aide-infirmier cet autre monde qu'est l'hôpital psychiatrique.
Telle est donc la trame picaresque du premier roman de René Frégni qui sait de quoi il parle, longtemps familier de la route et compagnon de l'aventure, et qui surtout exprime admirablement la solitude, la détresse, l'humour et l'inébranlable volonté de survivre d'un être désormais en marge.
[Extrait]
" C'est un silence étrange qui cette fois m'éveilla, roulé en boule au fond des cabinets. Le navire paraissait immobile, et du moteur point de ronron.
Je bondis sur mes jambes. Tout en moi était courbatu. Je collai mon oreille à la porte. Rien. Comme un chat je me glissais dehors. Les coursives étaient vides.
Débouchant sur le pont je fus interloqué. Une montagne verte écrasait le bateau et là, tout près, à portée de la main une petite ville ocre adossée aux coteaux, regardait de tous ses yeux du côté de la mer.
Il y avait des palmiers tout autour d'une place et au milieu un joli kiosque à musique, tout en dentelle aurait-on dit. Sous moi quelques dockers poussaient sur des chariots des collines de sacs. A trois pas l'échelle me tendait les bras.
Aucun douanier parmi les caisses et les sacs ne paraissait embusqué. Tout le monde avait déjà débarqué. Une chance, tout semblait normal.
Avec le flegme d'un homme d'équipage qui n'en est pas à sa première escale je descendis les escaliers. Sans encombre je franchis les grilles. اa y était!
J'étais parmi la foule du port, près d'un petit marché. Je me perdis entre les étalages. اa sentait le poisson, les algues et le pavé mouillé. Mais quelle ne fut ma surprise entendant autour de moi, outre une langue très criarde qu'on parlait couramment français…
J'étais peut-être aux colonies? Mais ces gens là n'avaient pas l'air du tout de couleur. Presque Italiens à leur façon de chanter leurs appels, et autour de la place, aux fenêtres s'entrouvraient partout des jalousies.
Je ne pouvais pas tout de même arrêter quelqu'un et lui dire:
Pardon on est dans quel pays ici?

Il risquait d'appeler "Au secours". J'ai eu une idée. M'approchant d'un homme affalé à une terrasse de café, je demandai:
Pardon, monsieur pouvez-vous m'indiquer un plan de la ville s'il vous plaît?
Ses yeux s'absentèrent quelques secondes. Il fit dans sa tête le tour de la ville.
- Tiens! Tu en as juste un là, au coin de la mairie, me répondit-il très jovial, et, revenu à moi, son accent me sauta aux oreilles. Le même exactement que mon grand-père qui roulait sur tous les "r"! J'étais en Corse! Le plan de la mairie me le confirma. "Ville de Bastia" [René Fregni, Les chemins noirs, Paris, Denoël, 1988, p. 107-109]

Titre

Les chemins noirs

Créateur

Éditeur

Collection Folio (n° 2361), Gallimard

Date

13/02/1992

Langue

Format

10,8 x 17,8 cm, 352 pages
ISBN : 9782070384846

Droits

Non libre de droits