Description

La Côte d’Azur et les peintres
A partir de la seconde partie du XIXe siècle, de nombreux peintres français se sont attachés à représenter les villes, villages et paysages du sud est du pays. Comme pour l’Italie auparavant, le « voyage » vers le Midi s’impose comme une étape importante dans la carrière et l’évolution des artistes. Travail de la lumière et des couleurs ; thèmes méridionaux et parfois « régionalistes » de plus en plus en vogue ; présence d’une clientèle richissime d’anglais ou de russes en villégiature : la région de Marseille et plus encore la Côte d’Azur deviennent ainsi hautement picturales.
Bon exemple de ce phénomène, la petite ville d’Antibes est traitée par de nombreux peintres parmi les plus célèbres dès les années 1840, comme l’indiquent les deux images ici étudiées. En proposant une variation intéressante sur un même thème (la baie et le phare d’Antibes), Pêcheurs de coquillages à Antibes, dessin de Félix Ziem, datant de la seconde partie du XIXe siècle et Le Phare d’Antibes, toile de Paul Signac datant 1909 permettent évidemment de saisir certaines mutations picturales. Mais à travers ce véritable « cas d’école » artistique et symbolique qu’est devenue Antibes, elles offrent aussi l’occasion d’analyser l’évolution des représentations attachées à la Côte d’Azur entre 1850 et 1910.

Deux « Phares d’Antibes »
Surtout connu pour ses nombreuses représentations de Marseille et de Martigues (où il ouvre même un atelier en 1860), Félix Ziem (1821-1911) a débuté sa carrière par le dessin. La manière et le thème (la Côte d’Azur à proprement parler et non le Var ou les Bouches du Rhône qui seront privilégiés par la suite) de Pêcheurs de coquillages à Antibes indiquent une œuvre assez précoce (entre 1850 et 1870). Assez uniforme, l’image figure une scène où quatre personnages (au premier plan) ramassent des coquillages dans le sable et parmi les algues amenées par les premières vagues. L’artiste privilégie un point de vue ouvrant une grande perspective sur la baie, la mer (on devine de modestes embarcations au loin) qui se confondant avec le ciel et les nuages brumeux à l’horizon. Au second plan à droite, le phare semble lui aussi presque évanescent, vaporeux et indistinct. A peine rehaussées par les quelques tâches de couleurs vives (les vêtements des pêcheurs), la lumière et l’atmosphère sont hivernales, à la fois pâles et grises.
Un Phare d’Antibes représenté bien différemment par Paul Signac en 1909, puisque sa toile, sans relever exactement du pointillisme dont il est, avec Seurat, l’un des plus illustres représentants, présente un traitement assez moderne et original. Ici, les couleurs ne sont pas mélangées mais juxtaposées par petites touches, selon le procédé de la « division ». Dans une atmosphère de mauves assez clairs, le paysage (constitué du Phare au second plan, des collines en arrière-fond, de la mer et du bateau au premier plan) acquiert une forte suggestion poétique : brouillé mais très lumineux ; mystérieux sans être oppressant ; mélancolique et pourtant solaire, joyeux et serein.
De l’Ecole de Barbizon au néo-impressionnisme
Assez sobre, Pêcheurs de coquillages à Antibes évoque la veine paysagiste et « naturaliste » de Ziem, par laquelle il se rattache un temps à l’Ecole de Barbizon. Fidèle aux préceptes de John Constable, il rend ici Antibes « d’après nature », privilégiant une scène « simple et quotidienne ». De manière presque étonnante, il choisit un jour d’hiver : loin de montrer le Midi dans sa lumières et ses couleurs « typiques », il propose une vue d’Antibes presque hollandaise, ou anglaise (les paysagistes du nord étant la référence première de l’École).
Tout en illustrant certaines audaces du néo-impressionnisme théorisé par Signac comme la division des tons et le « mélange optique » de touches colorées (le mélange des couleurs se faisant uniquement par le regard du spectateur), Le Phare d’Antibes évoque cependant une Côte d’Azur plus attendue, Antibes retrouvant ici tous ses éléments méditerranéens. Au-delà du traitement pictural, relativement inédit (il s’inscrit tout de même dans l’héritage impressionniste), on comprend que, popularisée et rendue presque « classique » par de nombreuses représentations, Antibes est désormais connue et ancrée dans les imaginaires comme un exemple de « paysage du Midi ».

Titre

Le Phare d'Antibes

Éditeur

Musée d'arts (Nantes)

Date

1909

Langue

Format

Huile sur toile, 46x55cm

Source

Alexandre SUMPF, « Antibes vu par les peintres », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 29 mai 2022. URL : http://histoire-image.org/fr/etudes/antibes-peintres

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