Les Îles d’Or
Description
Le peintre Henri-Edmond Cross, présente une peinture de paysage de mer. Son œuvre montre une plage avec une mer d’un bleu pur. Sa texture presque perlée rappelle le scintillement de l’eau au soleil de midi.
Henri-Edmond Cross peignit un paysage quasi abstrait intitulé les Îles d’Or. Un format carré enfermant un bout de plage surmonté par la mer et, au loin, l’horizon de collines montagneuses. Aucun personnage, presque pas de relief, aucun détail narratif : impossible de ne pas songer aux toiles de Mark Rothko.
Les divisionnistes, obsédés par la lumière colorée, développent une nouvelle méthode pour capter chaque faisceau sur leurs toiles. Les touches de peintures sont alors juxtaposées et non plus mélangées. Ainsi les différentes couleurs apparaissent et fusionnent dans l’œil et plus sur la toile.
Cross utilise ici la technique néo-impressionniste mis au point par Seurat (voir l’article consacré à Seurat le 28 mars 2013) qu’il pratique depuis quelques mois. Il peint uniquement avec des petites touches rondes juxtaposées comme son aîné mais prend tout de même des libertés avec les principes établis par Seurat. Pour celui-ci, le point devait être presque invisible grâce à sa petitesse, et surtout ne jamais varier de taille dans la composition. Cross quant à lui préfère moduler leur format : grosses pastilles au premier plan, ils s’amincissent vers le large. De plus, espacés en bas du tableau, les points se resserrent à l’horizon. L’ensemble permet à Cross de créer une belle perspective atmosphérique.
Cette toile extrêmement épurée est sans doute une des plus audacieuses de l’artiste. Avec une palette de couleurs restreinte (bleu, blanc, jaune et un peu de vert) Cross parvient à transcrire parfaitement la brûlante luminosité méditerranéenne, le jeu scintillant du soleil se reflétant dans l’eau et l’horizon brumeux des journées anticycloniques. De plus si la toile reste figurative, Cross est ici au bord de l’abstraction. Le véritable sujet de ce tableau semble être davantage les effets de lumière sur la couleur que le paysage lui-même. Les différents éléments de ce dernier sont réduits à trois larges bandes colorées : le sable, la mer et le ciel.
Sujet
Cross s’est essayé ici à une perspective atmosphérique rendue uniquement par la lumière, il a choisi la mer méditerranée qui bien sûr n’offre aucune aspérité, aucun repère autre qu’à l’horizon cette ligne lointaines des collines des îles d’Hyères. Il y a donc une sorte de provocation dans le choix du sujet puisque Cross conçoit sa toile à partir de la technique du pointillisme qui risque fort de le conduire à la disparition de tout espace, son travail de peinture ramenant la représentation à la surface de la toile. Cross est aussi un héritier de l’impressionnisme, il vise donc la lumière d’abord et avant tout, et c’est grâce à elle qu’il va résoudre le problème de l’absence de perspective , et celle de la disparition probable de l’évidence mimétique.
Composition
L’intention de Cross est certainement de laisser d’idée de la surface de la toile apparaître, pas complètement bien sûr, cette expérience est importante indéniablement, on peut penser que Cross avait l’intuition de quelque chose en se lançant dans une telle expérience. Sans doute la fait-il pour voir si cela pourrait fonctionner, si par hasard il ne se passerait pas un événement pictural important à travers cette expérience, et en effet il se passe quelque chose d’étonnant qui va vers une nouvel avenir pour la peinture.
La composition est faite de deux ou trois lignes horizontales parallèles, c’est tout, pas de profondeur réelle, car la surface s’impose, mais cette surface il l’a transformé en miroir et la profondeur réapparaît sans annuler la surface. Cross aboutira quelques années plus tard à une peinture fort belle et d’une magnifique lumière mais en reculant aussi, revenant partiellement aux données picturales de l’impressionnisme sans pourtant lâcher l’acquis du pointillisme. On peut mesurer l’ampleur de ce à quoi il a touché et on imagine qu’il aurait pu instituer la surface du tableau en principe de l’espace pictural, ce n’était pas pour lui pensable et ce ne le fut que 20 ans plus tard.
Couleur, lumière
« Les îles d’or » est un tableau extrême du pointillisme, il n’est pourtant pas particulièrement fidèle à la doctrine ; pour Seurat le point devait presque disparaître grâce à sa petitesse, et surtout ne jamais varier de taille dans la composition. C’est ici tout le contraire qui se passe, le point varie de grosseur et on le distingue nettement
Cross a sans doute pensé que sa manière de manier le point serait suffisant pour montrer le miroitement de l’eau dans le soleil, et effectivement sans une mimétique de la chose les points jouent ce rôle. Il obtient ainsi une lumière qu’il aménage du très clair en bas du tableau, les galets de la plage, au de plus en plus foncé dans l’eau et l’éloignement vers le large. Il retrouve en haut le clair dans les collines et le ciel mais d’une couleur opposée, bleu et rose alors que les galets sont ocres jaune clair mêlé d’orange à gauche et de mauve à droite. Cette lumière est une saturation ,il veut en plus de la lumière son éclat sur une étendue d’eau plate.
Matière, forme
Le pointillisme tout relatif de Cross est comparable à celui de Signac, Cross n’a pas l’intention de respecter à la lettre la technique du point, c’est d’abord pour lui une expérience picturale . Il se sert de la forme du point, mais pour lui c’est une forme plastique en premier lieu, la théorie vient ensuite et tant pis si la peinture détourne les choses c’est elle qui aura toujours le dessus. Cross fait donc de très gros point grands comme des galets, puisque ces galets ont l’air de points sur la plage, de milliers de points. Et puis il amenuise les points à mesure de l’éloignement au large.
L’utilisation très originale de la technique pointilliste dans cette toile lui confère un charme et une poésie que l’on retrouve dans La chevelure, œuvre contemporaine des Îles d’or.
(Extraits des analyses plastiques réalisées pour de CD-Rom de jeu Secrets d’Orsay)
Titre
Les Îles d’Or
Créateur
Éditeur
Don Mme G.Cachin-Signac, 1947
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
Date
1891-1892
Langue
Place
Format
huile sur toile, 59,5 x 54,0 cm
Droits
Non libre de droits