Description

Un homme amoureux des paysages du Sud

« Des coins d’une charmante intimité fourmillent à côté des grands aspects féeriques ou décoratifs », écrit, un jour de 1891, Henri-Edmond Cross à son ami Paul Signac, qui devait le rejoindre un an plus tard dans le sud. Il vient alors d’arriver dans la région et il est complètement sous le charme. Quand il s’échappe de sa petite maison isolée, située à côté de la plage de Cabasson, dans le Var, c’est pour regarder la mer et y voir la source d’une évolution dans sa pratique de la peinture. Loin de Paris et des avant-gardes, l’artiste puise dans la lumière et les reliefs découpés du littoral toute l’audace de ses compositions néo-impressionnistes, construites par petits points de couleurs. Dans le ciel, il fait dialoguer de fines touches de jaune et de bleu-gris, qui entrent en résonance avec le contraste des arbres bleutés et de la plage cuivrée.
Au loin, de tout petits bateaux à voile. Très certainement des pêcheurs, qui se réveillent avec le soleil et filent en mer. Rien à voir avec la folie capitaliste qui a fait pousser de gigantesques usines dans les grandes villes, ainsi que d’immenses paquebots prêts à dévorer le monde. Car c’est aussi ce qu’est venu chercher Henri-Edmond Cross sur les rivages de la Méditerranée : un idéal ancien d’harmonie avec la nature, de vies quotidiennes simples. Son image du travail est d’une douceur absolue : on compte parmi ses toiles une paysanne tranquille, des pêcheurs, une lavandière, des Femmes liant la vigne (1890) en bavardant, des blanchisseuses qui se reposent au soleil devant le linge étendu… De sensibilité anarchiste, l’artiste voyait dans la tranquillité de la Côte d’Azur une utopie sociale, à mille lieues de l’autorité des métropoles et de l’État.

De l’étrangeté sur une plage
Signac notera en 1894 à propos de son ami : « On sent chez lui la joie de peindre, l’amour des délicates harmonies, je ne sais quoi d’hésitant et de mystérieux, d’inattendu. C’est, à la fois, un penseur froid et méthodique et un rêveur étrange et troublé. » Ces trois petits garçons – toujours le même – offrent à cette réflexion une illustration parfaite. Reprenant « méthodiquement » les teintes de la plage et du ciel mêlés pour peindre les corps enfantins, il les représente dans trois positions différentes, mais sans les faire dialoguer, faisant ainsi penser à une étude (qui existe d’ailleurs et se trouve présentée au musée des Impressionnismes). Déclinaison poétique où l’harmonie prime sur le sens, la Plage de Baigne-Cul n’en reste pas moins une évocation parfaite de l’insouciance de l’enfance.
La recherche d’Henri-Edmond Cross, que l’on devine ici, dans le paysage de la Plage de Baigne-Cul, est entièrement tournée vers la beauté éternelle d’une Méditerranée mythique, où seuls le soleil, la mer et les rivages font art, et formule une image éclatante de la paix et de l’harmonie : une épure. Il voulait « peindre du bonheur, des êtres heureux comme pourront l’être dans quelques siècles les hommes, la pure anarchie réalisée »…

Titre

Plage de Baigne-Cul

Éditeur

Coll. The Art Institute of Chicago •
© Art Institute of Chicago, Dist. RMN-Grand Palais / image The Art Institute of Chicago / presse

Date

1891-1892

Langue

Format

Huile sur toile, 65,3 x 92,3 cm

Droits

Non libre de droits