Méditerranée, vers un noir paysager. Jalons d’un itinéraire personnel.
Description
(Résumé]
J’ai souhaité ici opter pour une réflexion sur la façon dont le thème « Paysages méditerranéens, correspondances poétiques » retentit dans mon propre travail, expliquant le sous-titre « Jalons d’un itinéraire personnel », sans nier la part de provocation qu’il peut y avoir à introduire le noir, qui pourrait sembler déconstruire les clichés bleu-méditerranéen. J’évoque d’abord les contrastes marqués entre ombre et lumière avec ce qu’ils peuvent induire à la fois d’inattendu et d’inquiétude au cœur du paysage ; ensuite, le noir est interrogé comme lieu de métamorphose et de résistance et comme atelier où forge le peintre ; enfin, s’esquisse l’inscription du « divers » dans le méditerranéen, amené aux limites du trait et du signe typographique, ses frontières reculées jusqu’à l’Asie. La couleur noire, en cela, est un angle d’attaque qui, littéralement, redessine le paysage, le diffracte et le densifie conjointement. L’ensemble fait état des poètes et des peintres qui ont accompagné mon cheminement et mon retour au Sud, créant une sorte de paysage sensible et textuel qui traverse, travaille et modifie à la fois le(s) paysage(s) méditerranéen(s).
(Espagnol)
He deseado escoger aquí una reflexión acerca de la manera en que el tema “paisajes mediterráneos, correspondencias poéticas” resuena en mi propio trabajo, justificando el subtítulo “Señales de un itinerario personal”, sin negar lo provocativo que hay en introducir lo negro, que podría sugerir la deconstrucción de los clichés del azul-mediterráneo. Evoco primero los contrastes entre sombra y luz y lo que ellos pueden inducir como sorpresa así como inquietud en el corazón del paisaje ; luego, lo negro está examinado como sitio de metamorfosis y de resistencia y como taller en el que el pintor forja su obra ; por fin, se esboza la inscripción de lo “diverso” en lo mediterráneo, llevado hasta el límite de la línea y del signo tipográfico, sus fronteras remotas con Asia. Lo negro, así, representa un ángulo de incidencia que, literalmente, vuelve a dibujar el paisaje, lo difracta y lo densifica al mismo tiempo. El conjunto da a conocer los poetas y los pintores que me han acompañado en mi viaje de regreso al Sur, creando una especie de paisaje sensible y textual que atraviesa, trabaja y modifica a la vez el/los paisaje/s mediterráneo/s.
Extrait
Naître au bord de la Méditerranée, surtout si, à plusieurs reprises et de nombreuses années, l’on vit loin de ses rivages, fait éprouver une irrésistible attirance pour le paysage – les paysages, serait plus juste – méditerranéen(s), pour son soleil quasi légendaire qui accentue ses lignes et ses courbes, accuse ses traits, ses caps. Dans un même temps, c’est se rendre compte que cette intensité solaire et topographique coupe le monde méditerranéen de toute stricte appartenance, plus précisément, d’un lien exclusif au continent européen ou africain, comme au pays avec lequel il fait corps, à la France notamment. Il semblerait au contraire avoir la capacité de s’en détacher, détruisant l’idée communément admise d’une géographie, créant un lieu spécifique, presque une bande de terre – le fameux pourtour méditerranéen des prévisions météorologiques – à son tour rendue ambivalente par sa proximité à la mer, provoquant même, à certains égards, l’obsolescence du territoire dit méditerranéen, si l’on considère l’arrière-pays trop terrien pour se laisser influencer par les mouvements de mer, par ses incitations au nomadisme, par ses rythmes, par ses inconnus et de ce fait, considéré comme moins méditerranéen que le littoral parce que trop ancré dans sa terre. De là à penser un tel lieu comme un monde à part, se laissant difficilement circonscrire, un genre géographique étrange, voire étranger à toute conception préalablement établie, incroyablement mouvant et vivant, donc, pourquoi pas ? Peut-être est-ce pour cette raison que le sentiment d’un déracinement peut côtoyer et recouvrir celui d’appartenance. L’irrésistible attirance qui est la nôtre pour le monde méditerranéen est aussi pétrie d’inquiétude. La lumière méditerranéenne ne fait-elle pas surgir paradoxalement un tragique, un noir rutilant ? N’interroge-t-elle pas sur la notion même de topos qui, dans une double acception héritée de son étymologie grecque de « lieu, endroit », évoque en géologie la science des sols et leur évolution ; souligne en littérature un thème récurrent ? Ne double-t-elle pas tout voyage autour du bassin méditerranéen d’une réflexion sur la fragilité, sur l’errance humaine ? N’élabore-t-elle pas ses leçons de ténèbres ? Ne rencontre-t-elle pas le doute ? N’induit-elle pas que la particularité du lieu participe à la fois d’une composition stratifiée et d’un éclatement ? Et que fait un tel lieu au langage : continuité, chant ou rupture ?
Table des matières
Des contrastes marqués entre ombre et lumière
Le noir comme lieu de métamorphose et de résistance
Vers un monde lointain
Collection
Titre
Méditerranée, vers un noir paysager. Jalons d’un itinéraire personnel.
Titre Alternatif
in Paysages méditerranéens. Correspondances poétiques
Créateur
Éditeur
Revue "Babel"
Date
2014, n°30
Langue
Format
Article scientifique
Identifiant
https://doi.org/10.4000/babel.3970
Source
Accéder sur OpenEdition.org (consulté le 15 novembre 2022)
Droits
Non libre de droits