La redécouverte du modèle italien dans la création des jardins sur la Côte d’Azur au début du XXe siècle
Description
[Résumé]
Étape discrète et souvent fortuite du Grand Tour sur la Riviera française, Nice possède des jardins datant d’époques différentes, qui sont autant de traces de son histoire et des différentes influences culturelles qui ont marqué la ville. Si on assiste déjà au développement important de ses jardins au cours du XIXe siècle, suite à son rattachement à la France en 1860, c’est au début du XXe siècle que le territoire niçois, que l’on nomme désormais la Côte d’Azur devient le théâtre d’une redécouverte du modèle italien dans la création de ses jardins.
Cet article propose de revenir sur un moment clé de l’histoire des jardins de la Côte d’Azur, le début du XXe siècle, qui voit émerger le mouvement « anti-exotique », porté par différents acteurs, pour la plupart d’origine étrangère, en réaction à la surenchère de l’introduction d’une flore exotique, encouragée par le développement du tourisme hivernal, qui atteint son apogée dans la seconde moitié du xixe siècle à Nice. Ce mouvement antagoniste aussi appelé « néo-italien » ou « néo-régionaliste », se caractérise par des créations directement inspirées des grands jardins italiens de la période renaissante, aux formes architecturées classiques et épurées, s’ouvrant sur le paysage environnant, marquant eux-mêmes une rupture avec l’hortus conclusus médiéval, introverti et à l’abri de son enceinte. L’article se concentre sur trois défenseurs de ce mouvement, Harold Peto (1854-1933), Ferdinand Bac (1859-1952) et Octave Godard (1877-1958), dont les créations respectives sur la Côte d’Azur sont autant d’hommages aux œuvres renaissantes italiennes.
[Riassunto]
Quest’articolo si propone di ritornare su un momento chiave della storia dei giardini della Costa Azzura, l’inizio del Novecento, che vede emergere il movimento « anti-esotico ». Sostenuto da diversi protagonisti, in gran parte di origine straniera, questa corrente si sviluppa in reazione all’eccesso di introduzione di flora esotica, incoraggiato dallo sviluppo del turismo invernale, giunto al suo apogeo nella seconda metà del Novecento a Nizza. Questo movimento antagonista, chiamato anche « neoitaliano » o « neoregionalista », è caratterizzato da creazioni direttamente ispirate ai grandi giardini italiani del periodo rinascimentale, dalle forme architettoniche classiche e puriste, che si aprono sul paesaggio circo-stante, segnando una ruttura con l’hortus conclusus medievale, chiuso su se stesso e riparato dal suo recinto. L’articolo si concentra su tre difensori di questo movimento, Harold Peto (1854-1933), Ferdinand Bac (1859-1952) e Octave Godard (1877-1958), le cui creazioni rispettive sulla Costa Azzura sono altrettanti omaggi alle opere rinascimentali italiane.
[Extrait]
Dans son Traité général de la composition des parcs et jardins, Édouard André, célèbre paysagiste ayant activement participé au renouvellement des jardins et de l’horticulture en France à la fin du XIXe siècle1, évoque « les rivages de la Méditerranée, souvent accidentés de la manière la plus pittoresque » qui « ont reçu, dans leur partie nord-est, ce nom de Corniche, qui éveille l’idée, pour les touristes, d’une suite d’admirables paysages sous un ciel enchanteur. La même disposition se retrouve sur les côtes des golfes de Naples, de Salerne, de La Spezia, les lacs de la haute Italie, etc. » L’auteur parle ici de la Riviera , plaçant ce territoire sur le même plan que les destinations italiennes du Grand Tour et en évoquant un imaginaire paysager touristique déjà très ancré dans les mentalités au XIXe siècle. Étape discrète et souvent fortuite du Grand Tour sur la Riviera française, Nice possède des jardins datant d’époques différentes, qui sont autant de traces de son histoire et des différentes influences culturelles qui ont marqué la ville.
Si on assiste déjà au développement important de ses jardins au cours du xixe siècle, suite à son rattachement à la France en 1860, c’est au début du XIXe siècle que le territoire niçois, que l’on nomme désormais la Côte d’Azur – dénomination que l’on doit à Stéphen Liégeard, écrivain et poète, lorsqu’il en fit le titre de son ouvrage paru en 1887 –, devient le théâtre d’une redécouverte du modèle italien dans la création de ses jardins. Afin de comprendre ce phénomène, nous mettrons en regard des réalisations italiennes emblématiques avec certains jardins de la Côte d’Azur où des principes spatiaux et stylistiques renaissants sont introduits dès la fin du XIXe siècle mais surtout au début du siècle suivant, et ce en réaction au goût exotique très en vogue sur le territoire azuréen au XIXe siècle.Le succès touristique et le fort engouement tropical au XIXe siècle dès le n’était encore qu’une cité de 36 804 habitants », en 1880, « plus de 25 000 touristes passent leur hiver » dans la ville. Pendant la période hivernale, la population triple quasiment au cours de la décennie 1870-1880, pour finalement arriver à une proportion d’un hivernant pour trois résidents niçois.
Dans l’entre-deux-guerres, la saison d’été vient s’ajouter à celle hivernale. Ainsi, en un siècle, Nice voit sa population multipliée par six, passant d’environ 25 000 à 150 000 habitants, ce qui la fait ainsi entrer dans la liste des grandes villes de France qui comptent « le tourisme comme moteur de croissance et de rayonnement ». Parallèlement au développement du tourisme de luxe, à partir du XIXe siècle, c’est également le paysage de la Côte d’Azur qui change radicalement, avec un nouvel apport d’espèces végétales exotiques. Parce que le comté de Nice est, jusqu’en 1860, sous domination du royaume de Piémont Sardaigne, l’influence de la culture italienne prédomine dans la conception des jardins où les composantes végétales ne sont employées que pour leur fonction structurelle : « ce n’est pas le royaume des horticulteurs, c’est une œuvre d’architectes et de bâtisseurs ». Or, l’intérêt pour les plantes exotiques et leurs premiers essais d’acclimatation sur la Côte d’Azur remontent au e siècle. En effet, le médecin et érudit François-Emmanuel Fodéré indique qu’en 1640 « un sieur Arène introduisit à Hyères vingt espèces d’orangers, trente et une de limoniers, ainsi que palmiers, cannes à sucre et un grand nombre de plantes exotiques inconnues auparavant ». Mais c’est à Joséphine de Beauharnais, impératrice d’origine Antillaise, que l’on doit la plus forte impulsion donnée à l’implantation de végétaux exotiques sur la Riviera. Elle envoie en 1804 des plantes originaires de Nouvelle-Hollande provenant des serres de la Malmaison à l’administrateur des Jardins de Nice, « dans le projet qu’elle a conçu de naturaliser en France une multitude de végétaux exotiques ». C’est à la même époque que le célèbre naturaliste niçois Antoine Risso (1777-1845) rassemble une collection d’agrumes dans sa propriété du quartier Saint-Roch et prépare son Histoire naturelle des orangers.e siècle, Nice devient une destination de villégiature hivernale privilégiée. De ce fait elle a dû s’adapter à la nouvelle demande touristique en greffant au tissu urbain préexistant des équipements et des lieux répondant à ce nouvel afflux : ainsi, la création d’avenues, de la promenade et de jardins, a conduit à une redéfinition du cadre urbain et de la structure même de la ville. Nice est recherchée, à l’instar de la Sicile et des îles grecques et espagnoles, pour « la douceur de son climat, ses fleurs et ses fruits, le soleil et le plaisir de vivre ». Elle est fréquentée par de riches hivernants entre les mois de novembre et de mars pour ses plaisirs et ses vertus thérapeutiques, bénéficiant d’une large publicité. Les colonies d’hivernants s’accroissent vite et régulièrement depuis l’annexion de Nice à la France et l’arrivée du chemin de fer en 1864. Si en 1848 « Nice n’était encore qu’une cité de 36 804 habitants », en 1880, « plus de 25 000 touristes passent leur hiver » dans la ville. Pendant la période hivernale, la population triple quasiment au cours de la décennie 1870-1880, pour finalement arriver à une proportion d’un hivernant pour trois résidents niçois 8. Dans l’entre-deux-guerres, la saison d’été vient s’ajouter à celle hivernale. Ainsi, en un siècle, Nice voit sa population multipliée par six, passant d’environ 25 000 à 150 000 habitants, ce qui la fait ainsi entrer dans la liste des grandes villes de France qui comptent « le tourisme comme moteur de croissance et de rayonnement ».
Parallèlement au développement du tourisme de luxe, à partir du XIXe siècle, c’est également le paysage de la Côte d’Azur qui change radicalement, avec un nouvel apport d’espèces végétales exotiques. Parce que le comté de Nice est, jusqu’en 1860, sous domination du royaume de Piémont Sardaigne, l’influence de la culture italienne prédomine dans la conception des jardins où les composantes végétales ne sont employées que pour leur fonction structurelle : « ce n’est pas le royaume des horticulteurs, c’est une œuvre d’architectes et de bâtisseurs ». Or, l’intérêt pour les plantes exotiques et leurs premiers essais d’acclimatation sur la Côte d’Azur remontent au XVIIe siècle. En effet, le médecin et érudit François-Emmanuel Fodéré indique qu’en 1640 « un sieur Arène introduisit à Hyères vingt espèces d’orangers, trente et une de limoniers, ainsi que palmiers, cannes à sucre et un grand nombre de plantes exotiques inconnues auparavant ». Mais c’est à Joséphine de Beauharnais, impératrice d’origine Antillaise, que l’on doit la plus forte impulsion donnée à l’implantation de végétaux exotiques sur la Riviera. Elle envoie en 1804 des plantes originaires de Nouvelle-Hollande provenant des serres de la Malmaison à l’administrateur des Jardins de Nice, « dans le projet qu’elle a conçu de naturaliser en France une multitude de végétaux exotiques ». C’est à la même époque que le célèbre naturaliste niçois Antoine Risso (1777-1845) rassemble une collection d’agrumes dans sa propriété du quartier Saint-Roch et prépare son Histoire naturelle des orangers.
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Titre
La redécouverte du modèle italien dans la création des jardins sur la Côte d’Azur au début du XXe siècle
Créateur
Éditeur
Revue ArtItalies, N° 23
Date
2017
Hal : 26/11/2019
Langue
Couverture temporelle
Format
N°23, p. 73-84
Identifiant
al-02373659
Source
Lire sur Hal.science (consulté le 7 mars 2023)
Droits
Non libre de droits