Description

[Résumé]
Résolument tournée vers l’Antiquité gréco-romaine, l’œuvre de Constantin Cavafy, poète grec d’Alexandrie (1863-1933) puise aux sources de la culture méditerranéenne. Il doit sa notoriété en France à Marguerite Yourcenar, éprise d’hellénisme, qui a traduit ses poèmes et lui a consacré un long texte dans Sous bénéfice d’inventaire. L’œuvre de Cavafy est une poésie brûlante de la Méditerranée et de la mémoire.

[Extrait]
Une poésie de la Méditerranée
Cavafy est le poète d’Alexandrie, comme Umberto Saba est celui de Trieste, ou Baudelaire le poète de Paris. Cavafy est né en 1863 à Alexandrie, la ville où se trouvait la plus grande bibliothèque de l’Antiquité, qui avait recueilli les manuscrits d’Aristote, cette ville dont « le destin était d’attirer les écrivains, ces êtres épris de mémoire », qui accueillit Flaubert, Rimbaud, Forster, et Lawrence Durrell, « une ville dont on vous dit sans cesse qu’il eut fallu la connaître, il y a vingt, trente ans, une capitale - la plus grande - de la mémoire » [Olivier Poivre d’Arvor, « Alexandrie, capitale de la mémoire », Alexandrie d’Egypte, Editions Eric Kœhler, 1989, p. 8.]. Capitale de la mémoire, plus encore que Venise, cette capitale fin-de-siècle des élites européennes, l’Alexandrie du début du XX ème siècle dans laquelle vécut Cavafy fut aussi le salon brillant des cent mille étrangers qui l’avaient investie : Anglais, Grecs, Italiens [Le poète Ungaretti est né à Alexandrie.], Arabes, Coptes, Juifs. Ce cosmopolitisme absolu d’Alexandrie va inspirer profondément la poésie de Cavafy, à tel point qu’on peut se demander si son œuvre n’est pas une véritable célébration du brassage des cultures, du mélange des peuples, en même temps qu’elle est une traversée de l’histoire. Dans des lettres à Henry Miller, Lawrence Durrell, le futur auteur du Quatuor d’Alexandrie évoque sa vie dans cette ville cernée par les étendues marécageuses du lac Maréotis et les rivages de la Méditerranée, en parlant d’une « nourriture sexuelle de qualité, mais dans une atmosphère moite, hystérique, sablonneuse, dominée par le vent du désert qui transforme tout en manie indispensable. L’amour, la drogue et l’homosexualité, voilà les remèdes évidents pour quiconque est coincé ici pour quelques années [...] C’est le monde des Pères du désert et des Juifs errants ; le pays est dévoré, ravagé, comme la mâchoire cariée d’une momie. Alexandrie est la seule ville d’Egypte où l’on puisse vivre, parce qu’elle s’ouvre sur une côte plate et jaunâtre - sur une mer qui permet l’évasion » [Lettre de Lawrence Durrell à Henry Miller du 23 mai 1944, trad. par Bernard Willerval, Une correspondance privée, Ed. Buchet / Chastel]. Cette Alexandrie que Durrell définira plus tard dans le Quatuor comme « le grand pressoir de l’amour », est déjà présentée en 1944 comme le lieu de toutes les tentations : « L’amour ici n’a rien de préconçu, mais il se fait lourdement et dans une sorte de bataille - ce n’est pas l’amitié molle des Nordiques - farouche et terrible, une bataille d’aigles et de vautours avec des becs et des serres. »

Table des matières

De Marguerite Yourcenar à Constantin Cavafy
Une poésie de la Méditerranée
Rhétorique de Cavafy
Une poésie de la mémoire
« Mer au matin »

Titre

La mémoire méditerranéenne de Constantin Cavafy

Titre Alternatif

in Revue "Babel", Rhétoriques méditerranéennes

Éditeur

Revue "Babel"

Date

2023

Langue

Format

Article scientifique, pp. 212-229

Identifiant

https://doi.org/10.4000/babel.1417

Source

Lire sur OpenEditoon.org (consulté le 18 mai 2023)

Droits

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