Description

[Résumé]
Nous analysons, à Marseille, les différentes stratégies urbaines de communication et de valorisation territoriales liées au street art et à l’image qu’il véhicule, en fonction du rôle différencié que les acteurs de la ville (politique, associatif, privé) lui confèrent. Pour ce faire, nous montrons comment les fresques créées dans le quartier du Panier permettent de créer un paysage urbain coloré, et insolite pour les touristes de croisière, tandis qu'elles enrichissent l'image de quartier « créatif » du cours Julien, et qu'elles transforment un projet décrié d'autoroute lourd de nuisances en galerie d'art à ciel ouvert. Dans ces trois terrains, nous montrons en contrepoint que, si l’institutionnalisation du street art est pratiquée de multiples manières, elle provoque des oppositions marquées et questionne les fondamentaux de cette pratique à l’origine vandale.
[Abstract]
In this article, we analyze, in Marseille, the different urban strategies of communication and territorial development linked to street art and the image it conveys, according to the differentiated role that the actors of the city (political, associative, private) give it. To do this, we show how street art created in the Panier district make it possible to create a colorful urban landscape, unusual for cruise tourists, while street art develops the image of the "creative" district of the Cours Julien, and transforms a maligned highway project with nuisances into an open-air art gallery. In these three fields, we also show that, if the institutionalization of street art is practiced in multiple ways, it provokes marked social opposition and questions the fundamentals of this practice which was originally vandal.
[Extrait]
"Consciente de sa nouvelle dynamique urbaine, la ville de Marseille s’est positionnée en matière de culture et de créativité comme levier de développement de la métropole et vecteur de changement d’images, grâce notamment à son titre, obtenu en 2013, de capitale européenne de la culture (Grésillon, 2011). La municipalité a fait le choix de promouvoir des infrastructures culturelles, créatives et commerciales pour devenir une destination phare du tourisme de croisière méditerranéen. Le Mucem, la Villa Méditerrannée, font ainsi office de symbole du renouveau culturel marseillais, au même titre que la Friche de la Belle de Mai, tandis que les mégas centres commerciaux comme les Terrasses du Port, et le réaménagement du centre-ville, visent à proposer un centre-ville apaisé, propice à la promenade. Dans le cadre de cette tentative de définition d’une nouvelle image de la ville, plus attractive, plus moderne, plus dynamique, les arts de rue ont été mobilisés, même si ce n’est qu’au début des années 2010 que la municipalité marseillaise a commencé à soutenir la production de street art dans certains quartiers de la ville. Dans le cadre de la rénovation du centre-ville de Marseille, de l’extension du périmètre du projet d’Euroméditerranée, et d’une recherche perpétuelle de singularité territoriale, les pouvoirs publics ont, en effet, commencé à percevoir les externalités positives en termes de communication urbaine et d’attractivité touristique d’une progressive institutionnalisation de ces images/écrits subversifs fortement « instagrammables » (AGAM, 2020).
Ainsi, entre 2013 et 2018 le quartier créatif du cours Julien est devenu une véritable galerie d’art urbain dans l’hyper centre métropolitain, en même temps que le quartier populaire du Panier s’est doté d’un street art tour et d’un festival dédié à l’art de rue visuel. De son côté, la L2, autoroute reliant le nord à l'est de Marseille se présente désormais comme « la plus grande galerie de street art à ciel ouvert d'Europe »1, grâce aux vingtaines de fresques qui ornent l’intégralité de ses murs. Pourtant, si le street art à Marseille s’affirme lentement comme une forme d’art à part entière, à admirer et à découvrir grâce à des parcours touristiques piétons et automobiles, il reste encore majoritairement vandale et illégal. C’est ici toute la particularité de ces terrains d’étude : les fresques et les graffitis participent aux nouvelles stratégies de communication utilisées par les institutions publiques, les associations de quartiers ou les promoteurs privés et permettent de valoriser des espaces marginalisés, tout en étant à l’origine illégale.
Dans cet article, nous souhaitons analyser, à Marseille, les différentes stratégies urbaines de communication et de valorisation territoriales liées au street art et à l’image qu’il véhicule, en fonction du rôle différencié que les acteurs de la ville (politique, associatif, privé) vont lui donner. Pour ce faire nous poserons Marseille comme une ville où le street art est pratiqué depuis longtemps, puis nous chercherons à montrer comment les fresques créées dans le quartier du Panier permettent de créer un paysage urbain coloré, et insolite pour les touristes de croisière, tandis qu'elles enrichissent l'image de quartier « créatif » du cours Julien, et qu'elles transforment un projet décrié d'autoroute lourd de nuisances, en galerie d'art à ciel ouvert. Le choix de ces trois terrains marseillais s’explique autant par leur localisation, que par la manière dont y est pratiqué le SA et leurs histoires socio-urbaines particulières : la L2 est une voie de circulation autoroutière avec beaucoup de passage, et donc de possibilité d’être vu, qui rappelle la localisation classique du street art le long des voies ferrées en même temps qu’il interroge sur les motivations premières des mécènes et des pouvoirs publics en matière de SA, et celles des artistes graffeurs traditionnellement plutôt réticents à réaliser des fresques décoratives sur commande ; le quartier du Panier est le lieu originel de création de la ville de Marseille, il se situe à proximité de l’opération d’aménagement du territoire d’intérêt national Euroméditerranée et est particulièrement marqué par l’airbnbisation urbaine (Grondeau, 2022) ce qui crée, en théorie, des conditions favorables au développement d’un SA politique et contestataire ; le cours Julien, quartier historique festif et militant, est devenu avec le temps une véritable galerie d’art urbain informel, vectrice d’attractivité touristique, à l’instar de ce qu’on a pu déjà étudier par ailleurs à Lisbonne notamment avec la Galeria d’Arte Urbana (Grondeau, Pondaven, 2018)."

Table des matières

Collection

Documents Villes

Titre

Le street art à Marseille. Entre communication urbaine, institutionnalisation et instrumentalisation

Titre Alternatif

in Revue "Méditerranée", Cultures, patrimoines, représentations

Date

Mis en ligne le 18 avril 2023, consulté le 15 novembre 2023

Langue

Format

Article scientifique

Identifiant

https://doi.org/10.4000/mediterranee.14456

Source

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