Description

Durant ces deux décennies, on a assisté à une féminisation croissante des métiers du cinéma et de la télévision au Maroc. Les femmes occupent désormais des postes de réalisateurs, de monteurs, de cadreurs, de gérants de salle de cinéma, de producteurs... Cet état de fait interpelle les chercheurs et les observateurs et les pousse à s’interroger sur la nature de ce nouveau regard féminin ainsi que sur les conditions socio-culturelles de son émergence. C'est ainsi que l’équipe de recherche du laboratoire LIMPACT organise un colloque international invitant à réfléchir sur les nouvelles questions liées aux femmes au cinéma et à la télévision. L’équipe de recherche du laboratoire Langue Identité Médias Patrimoine Culture et Tourisme (LIMPACT), porteuse du projet, a publié un livre analytique sur les femmes à l’écran et derrière la caméra, Le Cinéma marocain au féminin. Elle a également participé à la réalisation d’une trentaine de documentaires sur les métiers de réalisatrice, scénariste, productrice, monteuse, preneuse de son, accessoiriste, costumière, maquilleuse... Pour clore le projet, l’équipe de recherche du laboratoire LIMPACT organise un colloque international qui invite à réfléchir sur les nouvelles questions liées aux femmes au cinéma et à la télévision. Ce colloque constituera également l’occasion de réfléchir sur les métiers de la distribution et de la production : qu’en est-il au Maroc, la femme est-elle présente ? Qu’en est- il des films produits par des femmes ? Ont-ils un impact sur la place des femmes dans la société marocaine ? En somme, la présence des femmes à la télévision, dans le scénario, la réalisation, le son, la production et la distribution est forte, plus que jamais. Ce médium proche du public n’est-il pas un moyen de rapprocher le spectateur de sa propre image et de son vécu routinier et quotidien ? la forte consommation des séries turques à la télévision n’est-elle pas la preuve que le public est là et que son intelligence est à respecter, à considérer, voire à cultiver et à revaloriser ? Axes d’études du colloque. Axe 1 : L’espace féminin dans le cinéma marocain. Dans les premiers films tournés au Maroc, le point de vue porté sur la société était occidental : les réalisateurs, tous étrangers, portaient un regard plus ou moins « réaliste ». Ils racontaient et parlaient de la société de l’époque. Ils avaient une vision esthétique et cinématographique propres à eux. Certains cinéastes marocains ayant pris la relève ont choisi un autre point de vue. D’autres se sont contentés de construire leur propre imaginaire en filmant des femmes « pieuses ou impies ». L’espace de la cuisine était associé aux femmes et celui du dehors (café, souks) aux hommes. Aujourd’hui qu’en est-il de cet espace ? Est-il toujours protégé comme avant ou est-il devenu un espace clos, non protégé, un espace ouvert et insignifiant ? Selon le critique Mohammed Bakrim, le cinéma est une « “boîte noire” des sociétés modernes » (Le Miroir et l’Écho, 2018, p. 16). S’agissant du cinéma dans les pays du Maghreb, l’auteur dit ceci : « Les trois cinémas ont ainsi forgé des grammaires narratives emblématiques distinctes : un protagoniste déclassé social pour le cinéma marocain (tendance réaliste), un héros national (tendance épique) pour le cinéma algérien et un héros mélodramatique pour le cinéma égyptien (tendance romantique). » (id., p. 17). Dans un passage consacré à la figure de la femme dans le cinéma marocain, le critique énumère quatre fonctions : « l’épouse soumise, la mère dévouée, la jeune fille rebelle et la prostituée. » (id., p. 167). Ce colloque propose de réfléchir sur les manières de filmer les actes routiniers des femmes, cette réalité ordinaire que les cinéastes transposent à l’écran. Il vise principalement à éclairer les gestes cinématographiques adoptés pour filmer les corps féminins, les gestes quotidiens des femmes ménagères en cuisine, dans le salon. Ce colloque tentera de répondre aux questions suivantes: comment l’espace cinématographique est-il filmé ? Comment les lieux traditionnels occupés par les femmes et les hommes sont-ils filmés ? Quels sont les rôles masculins/féminins dans cet espace ? Les imaginaires sont-ils décrits de manière objective ? Qu’en est-il du cadrage, du son, de la narration, du montage, etc. ? Sont-ils réfléchis et liés à la société ou calqués sur d’autres modèles ? Comment cet espace cinématographique a-t-il été investi par le cinéma, qu’il s’agisse de l’espace citadin ou de l’espace rural ? De même, pour le désert et son infinitude, comment a-t-il été capté pour les cinéastes ? Axe 2 : Représentations de la féminité : polyphonie et mutations des regards. Raconter le réel de manière fidèle n’est pas toujours une tâche confortable pour un cinéaste qui se confronte à une réception de plus en plus populaire. L’artiste, qu’il soit acteur ou réalisateur/scénariste, peut moins librement s’exprimer sans risquer sa vie, celle de son entourage. Le film Les Yeux secs (2003) de Narjiss Nejjar, accueilli chaleureusement par les spectateurs au Festival de Cannes, donne un regard négatif sur les femmes et sur leur rôle dans la société marocaine. L’Enfant endormi (2004) de Yasmine Kassari met en lumière l’image de la femme passive qui attend le retour du mari – qui ne revient jamais – pour accoucher. Dans une série télévisée projetée cette année pendant le mois de Ramadan et dont l’audience bat tous les records de l’année, on nous raconte l’histoire d’un homme déçu par sa femme qui n’est attirée que par son argent. Celui-ci décide alors de se marier une deuxième fois, puis une troisième... On note tout de même que dans certaines séries, on est passé de l’espace domestique (chambre, salon, patio, jardin...) à des espaces de travail comme l’hôpital, le bureau, le supermarché, le café... Axe 3 : La critique cinématographique et audiovisuelle. Il existe peu de revues connues et accessibles à tous les cinéphiles comme il existe peu de critiques femmes dans les revues de cinéma et/ou d’audiovisuel. Les revues, si elles existent, sont semestrielles ou annuelles et sont souvent le fruit de l’effort personnel d’un corps professoral académique et universitaire. La critique cinématographique au Maroc est dominée par les hommes. Rares sont les femmes qui acceptent d’intégrer un groupement de critiques cinéphiles. On peut citer quelques exceptions : Amina Sibari, Leila Charadi... La majorité de ces femmes ont une formation universitaire de haut niveau. Elles écrivent car elles sont passionnées. Elles écrivent car elles sont engagées pour la cause féminine. Elles sont parfois responsables de festivals, enseignantes, pharmaciennes... Les formations dans le domaine de la critique cinématographique et audiovisuelle restent dominées par la théorie. Les cours sont assurés par des universitaires autodidactes, du fait que les formations doctorales sur le cinéma et l’audiovisuel viennent de naître dans l’espace universitaire. Axe 4 : Femmes derrière la caméra au cinéma et à la télévision. Qui mieux qu’une femme pourrait parler des représentations féminines dans le champ audiovisuel marocain et des images véhiculées par ce médium ? Fatima Loukili est une scénariste ; elle a endossé des responsabilités à la télévision et à la Commission d’Aide et de Soutien à la production au Centre Cinématographique Marocain (CCM). En compagnie de Farida Benlyazid, elle a été scénariste et actrice du film Ruses de femmes. La scénariste et réalisatrice Bouchra Malak représente, quant à elle, la nouvelle génération de cinéastes femmes. Cette génération, à l’instar de ces prédécesseurs, est porteuse de nouveaux projets. Elle cherche le renouveau. Elle est formée dans les universités marocaines, les instituts et les écoles de cinéma. La jeune productrice Fadila Taha est formée à l’université. Asmae El Moudir, primée récemment à Cannes, l’est également. D’autres femmes dont les films portent sur la cause féminine sont très engagées : Meryem Benm’Barek, scénariste et réalisatrice de Sofia, Maryam Touzani, membre du jury de la Compétition officielle du prestigieux Festival de Cannes de cette année, scénariste et réalisatrice de Adam et Le Bleu du caftan... Au Maroc, le métier de scénariste reste toutefois peu connu. Le scénario est la structure profonde du récit filmique. C’est la base de toute production audiovisuelle. Malheureusement, rares sont les femmes qui écrivent pour la télévision et le cinéma. Les formations en écriture de scénario sont absentes. On doit s’expatrier à l’étranger (États-Unis ou Europe) pour poursuivre une formation de qualité. Bouchra Malak, scénariste et réalisatrice de la série Bnat Lassas (« Les filles du gardien ») distribuée dans le monde arabe, a connu un grand succès au Maroc pendant le mois sacré de Ramadan. Elle donne une image positive des femmes. À l’instar de ce qui est procédé dans les séries turques, elle montre des actrices qui incarnent des rôles positifs (médecin, infirmière...). Dans ces films, la femme n’est ni sorcière, ni mégère, ni prostituée, elle est belle et intelligente.

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Maroc
FEMME

Titre Alternatif

Colloque international/ International conference.   
Faculté des Lettres et Sciences Humaines Marrakech, Université Cadi Ayyad de Marrakech, Maroc

Date

Les propositions sont à envoyer à : colloquecinema.aufeminin@gmail.com
Les auteurs ayant soumis des propositions recevront une réponse au plus tard le 20 janvier 2024.
Le colloque se tiendra à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l’Université Cadi Ayyad .
Les communications, d’une durée de 20 minutes, pourront être prononcées en arabe, en français, en anglais ou en espagnol.
Le texte définitif, d’une longueur comprise entre 50 000 et 60 000 signes, doit être envoyé avant le 30 juin 2024 à : colloquecinema.aufeminin@gmail.com
Les actes du colloque seront publiés dans la revue IMIST-CNRST du laboratoire LIMPACT.