Description

[Extrait]
Voici ce que Pasolini écrit en 1966, concernant Rome et ses Borgate : « Je ne me remettrais pas à écrire sur les Borgate et les bidonvilles de la banlieue de Rome si je ne considérais que le problème est aujourd’hui complètement nouveau, dans la mesure où il réclame, pour être compris, une nouvelle interprétation » Nous sommes effectivement dans ces années soixante à la fois dans une période d’évolution rapide du paysage (réel) des banlieues et à un moment de basculement des représentations. Dans ces conditions, le cinéma peut-il constituer un outil pour repenser la marginalité urbaine ? Les images de Pasolini nous emmènent au cœur de ces territoires italiens de la relégation et nous montrent que la marginalité n’est pas partout tissée de la même étoffe. Elles sont ainsi l’occasion d’élargir l’horizon de notre regard sur la banlieue, de mettre en perspective sa soudaine ascension (en France) dans la hiérarchie des sujets dits d’actualité.
À partir de quelques extraits de Mamma Roma, je me propose d’examiner deux aspects de cette nouvelle interprétation qui, l’un comme l’autre donnent accès aux fondements de cette vision pasolinienne. Loin de la rhétorique de la voie tracée, le premier a trait aux cheminements des personnages. En prise avec les espaces concrets, la route, le chemin, ou autres sentiers de la périphérie permettent à Pasolini d’accumuler les voisinages imposés par l’extension de la ville de Rome, s’essayant ainsi à modifier le rapport aux lieux, ne cessant d’interroger ces nouveaux dehors insensés. Le second aspect concerne le rapport à l’architecture, au monument, qui, selon Pasolini, n’expriment pas l’être des sociétés mais l’étouffent.
On marche beaucoup dans le cinéma italien des années soixante. Pasolini n’est pas le premier et la « balade moderne », la « balade urbaine » qui, comme l’a bien montré Gilles Deleuze, « a trouvé en Amérique les conditions formelles et matérielles d’un renouvellement », est reprise par le cinéma italien de l’après-guerre où elle marque, chez Antonioni notamment, une rupture avec « l’image-action ». Je note que la nouvelle forme qui se cherche là, du néoréalisme à Antonioni et Pasolini, souligne la puissance spécifique des paysages et des lieux : une rue, un quartier, une périphérie, un terrain vague, à chaque fois différent, qui demandent de construire des réponses singulières (une attitude, un geste, une marche) face aux sollicitations qui émanent d’eux. Pour dire les choses rapidement : la toute puissance de la pensée est refusée, elle se présente avec disponibilité aux lieux extérieurs.

Table des matières

Caminare e parlare : les nouveaux chemins pasoliniens
Singularité du chemin pasolinien
Contre le Monument : l’architecture ordinaire
Les ruines romaines, l’herbe des Borgate

Collection

Documents Villes

Titre

Contre le monument : les errances pasoliniennes dans les Borgate de Rome

Titre Alternatif

in Les imaginaires de la ville

Créateur

Éditeur

Rennes, Presses universitaires de Rennes (PUR)

Date

2007
12/07/2016 (OpenEdition Bools)

Langue

Format

p. 291-301

Source

OpenEdition.Books (consulté le 1er juillet 2024)

Droits

Non libre de droits