Description

La mer se révéla un terrain d’expérimentation qui ne pouvait que donner lieu à de vigoureux affrontements, comme celui de Nomellini avec son maître Giovanni Fattori (Livourne, 1825 - Florence, 1908), qui avait tenté en vain de mettre en garde ses élèves contre ce qu’il avait défini, dans une lettre adressée à Guglielmo Micheli, comme “l’abîme dans lequel ils sont sur le point de tomber”, c’est-à-dire le début d’une peinture tournée vers les impressionnistes. C’est une lettre émouvante de Fattori, datée du 12 mars 1891, qui détermine la rupture irrévocable entre le maître de soixante-six ans et le jeune Nomellini de vingt-cinq ans: dans cette lettre émotive et passionnée, Fattori regrette les choix de son élève et arrive à la conclusion que le moment est venu pour lui de ne plus se considérer comme son maître. Il prend néanmoins soin d’envoyer un fidèle témoignage d’estime à celui qui fut l’un de ses élèves les plus prometteurs, et de lui renouveler sa profession d’amitié éternelle: “J’ai cru devoir vous avertir, vous et les autres, que vous suiviez une voie déjà tracée depuis 10 ou 12 ans, et que la très appréciable fougue de la jeunesse vous a fait voir que l’Histoire de l’Art vous inscrirait comme martyrs, et novateurs, tandis que l’Histoire de l’Art vous inscrirait comme très humbles serviteurs de Pisarò, Manet, etc. et finalement de M. Muller [. et finalement de M. Muller [...]. Vous seuls, par justice, je vous trouve originaux comme je l’ai dit aux ouvriers [...]. C’est l’histoire et c’est ici que je cesse de dire que je suis votre ami toujours, votre maître plus jamais ! Parce que je suis avec les vieux, et que je ne saurais plus quoi vous apprendre - vous le direz aux bons amis de Livourne quand vous aurez l’occasion de leur écrire - je vous serre la main et je suis votre ami affectueux”.
Cependant, Fattori pouvait compter sur un groupe important d’artistes, même jeunes, qui lui resteront artistiquement fidèles. Quelques années avant la rupture irrémédiable, Fattori avait achevé l’un de ses chefs-d’œuvre les plus connus, Libecciata, un instantané d’une partie de la côte de Leghorn balayée par les vents du sud-ouest: les tamaris feuillus dont le feuillage est secoué par la fureur du libeccio, les arbustes côtiers qui ploient sous les violentes rafales, le sable qui commence à se soulever, la mer qui ondule et qui est ostensiblement blanche sous un ciel grisâtre, prélude à une tempête maritime imminente. Libecciata date du début des années 1980, et Fattori avait alors pris l’habitude d’habiller ses paysages de tonalités lyriques poignantes, inaugurant un goût pour le paysage nouveau dans son art, et pas seulement. Ce tableau respire la solitude et la mélancolie. Il n’a rien d’idyllique, rien de rassurant: Fattori voulait que sa marine soit fortement communicative, et il a manifestement réussi dans son intention, si l’on en croit la commission que la municipalité de Florence a convoquée dans le but d’évaluer certaines œuvres du peintre léghorien en vue de les acheter.dans un rapport daté du 15 septembre 1908, que Libecciata est une œuvre dans laquelle l’artiste “même avec des moyens très simples mais précis, sans figures [...] a donné à une brève ligne d’un village la même force d’expression qu’un visage humain”.
Cette ligne, qui anticipe en quelque sorte l’état d’esprit paysagiste qui sera bientôt codifié par les théories des philosophes Jean-Marie Guyau et Paul Soriau, magistralement interprétées en Italie par Vittore Grubicy de Dragon, est destinée à connaître un certain succès. Guyau écrivait que “pour apprécier un paysage, il faut se sentir en harmonie avec ce paysage. Pour comprendre un rayon de soleil, il faut vibrer avec lui, et il en est de même pour un rayon de lune, il faut trembler dans les ombres du soir, il faut scintiller avec les étoiles bleues ou dorées, pour comprendre la nuit, il faut sentir passer sur nous le frisson de l’espace obscur, de l’immensité vague et inconnue. [Pour comprendre un paysage, il faut le mettre en harmonie avec soi-même, c’est-à-dire l’humaniser. Il faut animer la nature”. (Source finestresullarte.info, consulté le 8 octobre 2024)

Titre

Tramonto sul mare

Titre Alternatif

Coucher de soleil sur la mer

Éditeur

Florence, Galleria d’Arte Moderna di Palazzo Pitti (IT)

Date

1894-1890

Format

Huile sur panneau, 19,1 x 32,2 cm

Source

finestresullarte.info (consulté le 8 octobre 2024)

Droits

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