Description

Préface d'Albert Camus.

Extraits/citations

L’attrait du vide
« La perfection, je le sais, n’est pas de ce monde, mais dès qu’on entre dans ce monde, dès qu’on accepte d’y faire figure, on est tenté par le démon le plus subtil, celui qui vous souffle à l’oreille : puisque tu vis, pourquoi ne pas vivre ? ¨Pourquoi ne pas obtenir le meilleur ? Alors ce sont les courses, les voyages… Mais quels beaux instants que ceux où le désir est près d’être satisfait.
Il n’est pas étrange que l’attrait du vide mène à une course, et que l’on saute pour ainsi dire à cloche-pied d’une chose à une autre. La peur et l’attrait se mêlent – on avance et on fuit à la fois ; rester sur place est impossible.
Cependant un jour vient où ce mouvement perpétuel est récompensé : la contemplation muette d’un paysage suffit pour fermer la bouche au désir. Au vide se substitue immédiatement le plein. Quand je revois ma vie passée il me semble qu’elle n’a été qu’un effort pour arriver à ces instants divins. Y ai-je été déterminé par le souvenir de ce ciel limpide que je passais si longtemps dans mon enfance, couché sur le dos, à regarder à travers les branches et que j’ai vu un jour s’effacer ? » p. 28

Jours disparus
« Cette pensée, que je formule ici telle que je puis la reconstituer, cette pensée impie était plus palpable. Elle se dissolvait au soleil de la Méditerranée. Les 6 février que j’ai passés à Alger, j’allais au haut de la casbah regarder la mer. Un grand calme… […] j’allais, j’allais toujours. Ce n’était donc pas, comme je l’écrivais tout à l’heure, une marche vers un néant, puisque les damiers roses et blancs de la casbah, les façades bleues des maisons closes qui m’entouraient, les cubes des maisons européennes, le parallélépipède du lycée qui s’étendait au-dessous de moi, le bras recourbé de l’Amirauté et le bleu parfois indigo de la mer, me faisaient participer à leur existence, et que cette existence avait beau me paraître illusoire, elle ne l’était pas plus que la mienne, ni moins ; de sorte que dépourvus les uns et les autres de tout soutien, mais nous soutenant les uns les autres, laissant écouler notre vie à chaque instant par nos blessures, mais échangeant notre sang, nous éprouvions secrètement l’Unité qui fait être ce qui, réduit à lui-même, n’est pas
Je n’étais certes pas parvenu du premier coup à cette cohésion, qui ne s’obtient que sans efforts et avec les années.
A mon premier voyage, une souffrance imaginaire me fit penser à repartir aussitôt. » […] p. 147

Les îles Borromées
Se trouvant dans une ville du nord, le narrateur trouve sa vie « lourde et sans poésie », jusqu’au jour où il voit une enseigne : « Aux îles Borromées ! »
« Vous imaginez comme dans cette ville au ciel sombre, aux pavés sales, aux maisons grises, cette enseigne pouvait détonner. Ce contraste m’éprouvait : je revoyais les trois îles que baigne le lac Majeur : l’île mère, l’île des pêcheurs, l’île de beauté, les palmiers, les orangers, les citronniers et les arbres de toutes sortes qui les couronnent. C’était une vision de paradis terrestre… Le ciel s’ouvrait pour moi, qui étais dans les limbes. Je respirais l’air chargé des fleurs de mimosa, de glycines et de roses, cet air trop lourd dans lequel volent les pigeons et les colombes d’Isola Bella. » p. 154 […]
« Eh bien, il me semble que, partout où ils se trouveront, le soleil, la mer et les fleurs seront pour moi les îles Borromées ; qu’un mur de pierres sèches, défense si fragile et si humaine suffira toujours pour m’isoler, et deux cyprès au seuil d’un mas pour m’accueillir … Une poignée de main, un signe d’intelligence, un regard… Voilà quelles seront – si proches, si cruellement proches – mes îles Borromées. » p. 155

Table des matières

Table des matières
Préface par Albert Camus
L’attrait du vide
Le chat Mouloud
Les îles Kerguelen
Les îles Fortunées
L’île de Pâques
L’Inde imaginaire
- Ni lieu ni temps
- L’Inde et la Grèce
- L’Illumination
- La Réalisation
Post-scripta :
Jours disparus
Les îles Borromées

Collection

Documents Iles

Titre

Les Îles [Extraits]

Éditeur

Gallimard (Paris)

Date

1933 (première édition)

Langue

Source

Extrait de la publication en ligne (consulté le 25/03/2020)

Droits

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