Analyse contributeur. La luce perfetta, de Marcello Fois. L’inertie du paysage sarde : projection narrative de "l’aphasie" des personnages et du réel

Description

Nuoro, petite ville intérieure située au cœur de la Sardaigne n’était à l’origine qu’un misérable village de bergers. Elle servait déjà de décors à Nel tempo di mezzo (C’est à toi) qui se concentrait sur la figure de Vincenzo Chironi, un orphelin faisant retour en Sardaigne pour se réapproprier son identité et son territoire. On retrouve déclinés dans la Lumière parfaite les thèmes de prédilection de l’auteur : la Sardaigne, la mémoire, l’identité et les sentiments primordiaux, amour, désir, jalousie, rancune, trahison qui déterminent les rapports des personnages centraux, deux frères d’âme que déchire une rivalité amoureuse, dans une Sardaigne les années 1980 en pleine mutation, gangrenée par la spéculation immobilière, le banditisme et la violence politique impitoyable du profit. L’auteur sarde y déploie la veine épique et tragique poétiquement réaliste qui caractérise son écriture.

Cristian et Domenico, élevés comme deux frères, tombent amoureux de la même femme Maddalena. La jeune fille tombe amoureuse puis enceinte de l’un d’eux, mais épouse le second, sous le regard de la vieille Marianna. À l’histoire familiale, se mêle, comme souvent chez l’auteur, une intrigue policière lorsque Cristian disparaît mystérieusement. Les deux trames s’entremêlent sur fond d’histoire politique et urbaine de la Sardaigne. Dommages et malversations, signes des transformations de Nuoro se superposent aux crimes crapuleux, crimes tragiques, crimes passionnels. La veine noire de ce roman au titre paradoxalement lumineux fouille parallèlement, en écho, à l’intrigue policière les entrelacs complexes des racines et des héritages qui à Nuoro semblent entraver implacablement tout projet d’être heureux. Le silence creuse l’écart entre les êtres et le poids du non-dit conduit parfois même les hommes au suicide.