Description

[Abstract]
Que Naples soit vue comme un « grand village », « un monde » ou une « Forêt Vierge », dans Ferito a morte de Raffaele La Capria, la ville apparaît dans sa composante bourgeoise comme une tribu à part, régie par des règles précises qui la placent hors de l’Histoire et érigent en valeurs les mauvaises manières. Il s’agira de décrypter ce « galateo » inversé que décrit l’auteur afin de montrer que la bourgeoisie napolitaine des années 1940-1960, héritière de siècles de malgoverno et de mauvaise éducation, s’est enlisée dans ses codes qui révèlent un vide existentiel enveloppé dans le Jeu et caché derrière les apparences.
[Extrait]
À plusieurs reprises, Pasolini a signifié son attachement pour Naples : il l’a choisie comme cadre de son Decameron (1971) rythmé par des chansons napolitaines, il a travaillé avec Totò sur différents films1 et, si la mort n’était venue le prendre, il aurait collaboré avec Edoardo De Filippo. C’est surtout dans ses Lettere luterane2, où Pasolini fustige la société contemporaine et montre que le progrès est un « faux progrès », que son affection pour Naples se révèle. La première partie de ce livre se veut un « trattatello pedagogico » destiné à Gennariello. Si l’auteur s’adresse à un jeune bourgeois napolitain, c’est parce que les Napolitains sont restés les mêmes3 et ont su ne pas se laisser anéantir et aliéner par l’Histoire qui avance tout en étant régressive. Pasolini entend montrer à Gennariello les désastres provoqués par la modernité et l’inciter à ne pas suivre les sirènes du progrès.
Naples est centrale chez l’auteur napolitain Raffaele La Capria qui, par l’écriture, veut creuser les souterrains de sa ville, éliminer les clichés qui la minent, la penser pour la réinventer et la faire entrer dans l’Histoire. La ville de Naples qu’il scrute n’est pas la même que celle de Pasolini qui parle d’une « métropole plébéienne ». Même s’il n’ignore pas le peuple des bassi, La Capria observe avant tout ses semblables, les bourgeois, et avance que ce qu’il y a d’essentiel dans « l’être napolitain »4 n’est pas plébéien.
La Capria reproche à ses compatriotes et à sa ville l’absence de changement, l’immobilisme. Il les rend en partie responsables des maux qui touchent Naples et tente d’en comprendre l’origine. Pasolini et La Capria tirent donc des conclusions différentes à partir d’un même état de faits : Naples est figée, hors du temps historique et la société napolitaine n’a pas évolué.
Nous montrerons que la ville de Naples forgée par l’Histoire (ou la non-Histoire, comme nous le verrons), la société qui s’y est développée, ont produit une sorte de “galateo” social et existentiel, repris et interprété par La Capria dans Ferito a morte [ Raffaele La Capria, Ferito a morte, Milano, Mondadori, 1984 (1ère édition : 1961).] où il regarde à la loupe une bourgeoisie napolitaine composée de différentes “familles”.

Table des matières

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Napoli (Italia)
20e siècle
La Capria, Raffaele (1922-2022)
Italie
Ferito a morte La Capria, Raffaele (1922-2022)

Titre

Ferito a morte de La Capria: un “galateo” napolitain des mauvaises manières

Titre Alternatif

in Revue "Italies", Bonnes manières et mauvaise conduite »

Éditeur

Revue "Italie", N°11, AMU (FR)

Date

2007, n° 11

Langue

Couverture temporelle

Format

pp. 213-243

Identifiant

https://doi.org/10.4000/italies.1782

Source

OpenEdition Journals (consulté le 3 octobre 2024)

Droits

Non libre de droits