Description

[Résumé éditeur]
Deux rives, trois religions, vingt-trois pays riverains et une mer qui reçoit des noms divers selon les langues : Mare Nostrum pour les Romains, Mer blanche du milieu pour les Arabes, mer blanche pour les Turcs, mer du milieu des terres pour les Hébreux, les Serbes, les Berbères, les Arméniens, la Méditerranée se subdivise aussi en plusieurs mers : Adriatique, Tyrrhénienne, Egée, Ionienne... Jadis centre du monde, la Méditerranée reste un espace géographique et politique important, et le foyer de notre civilisation grâce à la Phénicie, à Jérusalem et Athènes, et bien sûr Rome. La division entre Orient et Occident tend aujourd'hui à s'estomper, à cause des migrations et de l'américanisation du monde. C'est pourquoi l'auteur préfère parler de Méditerranée au singulier, celle-ci étant envisagée dans sa dimension civilisationnelle plus que politique, et dans sa diversité toujours active. Il sera donc question de pays (Albanie, Macédoine...), mais plus volontiers de régions (Kabylie, Côte Vermeille, Gaza...), de villes (Beyrouth, Istanbul, Barcelone, Venise...), d'îles (Ibiza, Elbe, Malte...), de personnages mythologiques (Jason, Antigone, Didon), historiques (Alexandre le Grand, César, Zénobie...), d'écrivains (Homère, Camus, Lampedusa...), de peintres (Caravage, Gréco, Barcelo), de musiciens (Falla, Albeniz , Milhaud), de cinéastes (Fellini, Pasolini...), d'acteurs (Mastroianni, Claudia Cardinale, Trintignant), de saints (Rabi'a, Angèle de Foligno, Thérèse d'Avila), de plats, du vin, des vents, du platane et du cyprès, du oud et du komboloï, et de bien d'autres choses, à partir de souvenirs personnels, de voyages, de lectures, de femmes, ce qui explique, comme toujours en amour, ces lacunes qui reçoivent le beau nom de préférences....

[Extrait recension école des lettres]
Le « concept » de Méditerranée

À première vue, souhaiter réunir dans un dictionnaire, fût-il présenté sous l’angle de la préférence affective, tous les thèmes, lieux, personnages ayant un rapport avec la Méditerranée, cette mer fermée autour de laquelle s’est bâtie notre civilisation, semble une initiative pertinente, sinon séduisante. On se rend compte alors que le concept de Méditerranée, loin de constituer un ensemble homogène, ou au moins une convergence de références, n’est qu’un assemblage disparate où cohabitent des réalités culturelles multiples, parfois étrangères les unes aux autres, des personnalités que rien ne rapproche, des phénomènes ou des thèmes sans grand rapport entre eux.
Avec beaucoup de conviction, Richard Millet, dans son préambule, affirme refuser le pluriel et tente de nous convaincre que « parler de Méditerranées est trompeur ». Mais, dix lignes plus loin, il nuance ce jugement quand il écrit : « La Méditerranée est pourtant moins une civilisation en soi qu’un laboratoire qui a donné une double civilisation, ou deux civilisations en miroir : celle de l’Europe, et celle du Proche-Orient. »

[Résumé de Philippe Chauché in La cause Littéraire]
« C’est la lumière qui unifie la Méditerranée ».

« Retournons vers ces espaces où sont nés le monothéisme et la philosophie. Retournons la leçon de la nouvelle alliance entre l’Orient et l’Occident. Contemplons. Méditons. Vivons » (Contemplation).

Qui mieux que Richard Millet pour nous offrir ce Dictionnaire amoureux de la Méditerranée ? La question posée ne résiste pas longtemps à la lecture vagabonde de cet éblouissant et réjouissant dictionnaire. D’Abraham à Istanbul, en passant par Dalida et Homère, sans oublier Durrell, Hérodote, Lampedusa, saint Paul, l’Art Roman et Port Royal. Justesse du choix des entrées, pensées vives du jeune Français devenu Libanais le temps de l’enfance et de la guerre, éclats et éblouissements de l’écrivain au cœur parfois tendu comme un arc. Le chrétien corrézien baigné de patois limousin, s’ancre avec l’élégance et la force du vicomte de Chateaubriand dans la langue de Giono, René Char, Casanova et Valéry. Question de style et de manière, mais aussi de matière, l’écrivain sait où il met les pieds, il sait la nature des sols, leurs tremblements, leurs forces intérieures et l’éblouissante douceur des arbres qui s’y accrochent, oliviers, platanes et cyprès, arbres méditerranéens, arbres qui s’accordent au ciel et s’accrochent aux regards des hommes.

La langue de Richard Millet n’est jamais vaine et fade, elle charrie des galets, et tire sa force, ses envolées, sa gloire et ses tiraillements, ses passions aussi, d’une Histoire, d’un accent, d’un paysage, d’un écrivain, d’un musicien, d’une vibration divine, d’un héros –Baltasar Gracián –, d’un espace rayonnant entre mer et oliviers, entre chrétiens, juifs et musulmans, qui a donné deux civilisations en miroir : celle de l’Europe, et celle du Proche-Orient.

« …Beyrouth demeure une abstraction sensible ; un lieu de spéculations identitaires, de négation de soi et de résurrection dans la coexistence des contraires, des ethnies, des religions, des langues, des intérêts et des passions idéologiques… » (Beyrouth).

Qui mieux que Richard Millet pour nous entraîner dans ce périple amoureux de savoir et de saveurs ? Ce périple savant où se dressent des villes – Venise, Port-Bou, Beyrouth, Arles – et des fleuves – La Garonne – remontant vers l’Atlantique où son puissant mascaret la féconde. Des hommes et des dieux s’invitent à la table d’orientation de l’écrivain, mais aussi des poètes et des musiciens, des actrices –Adjani la kabyle –, des écrivains – Adonis croise ici Joë Bousquet, René Char, Miguel de Cervantès etCasanova –, des peintres – Zurbarán, Miquel Barceló, le Caravage et Henri Matisse – Tout art digne de ce nom est religieux. Un périple politique, qui est aussi un vertige pour l’écrivain et parfois pour son lecteur, un bruissement de nostalgie, une colère contemporaine, un doute sur ce qui demain nous sera conté et sur la façon dont il l’est aujourd’hui. Finalement l’écrivain dérange tout autant que saMéditerranée, ses flèches et ses assauts, que ceux du jésuite rebelle aragonais. Richard Millet agace, résultat, il est peu ou mal lu, victime d’une police littéraire qui ne dit pas son nom, mais il écrit. Il écrit au cœur de ce que l’on pourrait nommer, avec lui, l’exception française, et son Dictionnaire amoureux de la Méditerranée est l’un de ses opus les plus réjouissants.

« …ils sont nos guides les plus sûrs ; ils nous enseignent l’usage du désert, où que se trouve celui-ci et où que nous nous trouvions, pauvres humains égarés en un siècle matérialiste » (Pères du désert).

« Je rêve aussi d’une tombe du côté de Batroun, au Liban, sur une colline surplombant la mer, près d’un couvent, dans l’ombre d’un grand cyprès, sous le calme regard que les religieuses viendront poser sur les croix et sur la mer » (Cyprès).

Qui mieux que Richard Millet pour nous faire véritablement voir ce qui nourrit, éclaire, enivre dans la Méditerranée ? Avec l’écrivain stylé et racé, nous ouvrons les yeux sur les pays qu’il a traversés et admirés, sur l’art et la manière d’être là physiquement, musicalement, littérairement et moralement, entre terre et Mare nostrum, au centre tellurique de la poésie vive, autrement dit de la vie même et de sa liberté libre.

« Ulysse, d’une certaine façon, c’est l’homme qui a décidé du temps, contre la vindicte divine ; il est le temps. Il est nôtre. Nous sommes Ulysse » (Ulysse).
Philippe Chauché

Titre

Dictionnaire amoureux de la Méditerranée

Créateur

Éditeur

Paris, Plon

Date

2015

Langue

Sujet

Méditerranée

Format

806 pages