Description

[Extrait]
[Présentation de Patrick Reumaux pp. 7-9]
REUMAUX : Leonardo Sciascia, fin renard a l'ouïe fine : lisant Quasimodo, il entend le bruit de l'eau : « i miei fiumi », mes rivières. Ce sont les rivières de son enfance, qu'il ne vint peut-être jamais revoir, le Platani, à hauteur de la gare d'Acquaviva ; l'Imera à son embouchure, l'Anapo « aux fraîches eaux bleutées … Qui parcourt ses poèmes croit entendre un perpétuel bruit d'eau : il lui semble voir un monde oublié à travers un voile d'eau … Tout est souvenir d'eaux, tout vit dans cette transparence » 1.

De la même veine, cette remarque d'Armand Guibert, dans un numéro de la revue Mirages : « Jamais décrite, la mer est suggérée » 2. […] Promenez-vous dans les jardins du Generaliffe, à Grenade, vous entendrez, là où il n'y a pas d'eau, le bruit de l'eau. Vous entendrez le bruit d'une eau qui n'existe pas, car ce sont les Arabes qui ont créé l'imaginaire de l'eau. Les Grecs, et les Siciliens dans leur sillage, et Quasimodo dans leur sillon, ont créé le noir. Les Siciliens, tailleurs de vignes, irriguent moins qu'ils ne cueillent. Ils taillent le noir. Leurs vins rouges sont des vins noirs. Et le soir, sur l'île, tombe si brusquement que le cœur se serre. Quelque chose dans le cœur. Pas le sang, le noir. Le cœur devient noir d'encre.

[Poésie se Quasimodo, pp. 126-127]

CAVALLI DI LUNA E DI VULCANI
alla figlia

Isole che ho abitato
verdi su mari immobili.

D'alghe arse, di fossili marini
le spiagge ove corrono in amore
cavalli di luna e di vulcani.

Nel tempo delle frane,
le foglie, le gru assalgono l'aria :
in lume d'alluvione splendono
cieli densi aperti agli stellati ;

le colombe volano
dalle spalle nude dei fanciulli.

Qui finita è la terra :
con fatica e con sangue
mi faccio una prigione.

Per te dovrò gettarmi
ai piedi dei potenti,
addolcire il mio cuore di predone.

Ma cacciato dagli uomini,
nel fulmine di luce ancora giaccio
fanciullo a mani aperte,
a rive d'alberi e fiumi :

ivi la latomia l'arancio greco
feconda per gl'imenei dei numi.
[ p. 226]

CHEVAUX DE LA LUNE ET DES VOLCANS
à ma fille

Îles que j'ai habitées
vertes sur des mers immobiles.

D'algues sèches et de fossiles marins
les plages où galopent fous d'amour
les chevaux de la lune et des volcans.

Au moment des secousses,
les feuilles, les grues assaillent l'air :
dans la lumière des alluvions
brillent des ciels chargés ouverts aux astres ;

les colombes s'envolent
des épaules nues des enfants.

Ici finit la terre :
avec de la sueur et du sang
je me construis une prison.

Pour toi je devrais me jeter
aux pieds des puissants,
adoucir mon cœur de brigand.

Mais traqué par les hommes
je suis encore en plein dans l'éclair,
enfant aux mains ouvertes,
aux rives des arbres et des fleuves :

ici la latomie féconde
l'oranger grec pour les noces des dieux.
[ p. 227]

Titre

Ed è subito sera

Titre Alternatif

Et soudain c'est le soir

Éditeur

éd. bilingue, Rouen : Elisabeth Brunet, diffusion les Belles Lettres,

Date

2005

Format

234 pages, 25 cm.
ISBN : 2-910776-13-1