Description

Oeuvre pointilliste. Signac travaille avec Seurat et Pissarro, avec qui il va former le groupe des « impressionnistes dits scientifiques ». Il se convertit très vite à la pratique de la division scientifique du ton. La technique empirique du pointillisme consiste à diviser les tons en de toutes petites taches de couleurs pures, serrées les unes contre les autres, afin que l’œil du spectateur, en les recomposant, perçoive une unité de ton. Signac et les néo-impressionnistes pensent que cette division des tons assure d'abord tous les bénéfices de la coloration : le mélange optique des pigments uniquement purs permet de retrouver toutes les teintes du prisme et tous leurs tons. La séparation des divers éléments (couleur locale, couleur d'éclairage et leurs réactions) est aussi assurée, ainsi que l'équilibre de ces éléments et leur proportion, selon les lois du contraste, de la dégradation et de l'irridiation. Enfin, le peintre devra choisir une touche proportionnée à la dimension du tableau. En 1885, son intérêt pour "la science de la couleur" le pousse à se rendre aux Gobelins où il assiste à des expériences sur la réflexion de la lumière blanche.

Il fait son premier tableau divisionniste en 1886. Par comparaison avec Seurat, Signac construit le tableau de façon plus spontanée, intuitive, et sa couleur est plus lumineuse. Il sympathise avec le symbolisme littéraire, surtout en Belgique. Il en retient plusieurs éléments, notamment l’idée d’une harmonie à mi-chemin du paradis perdu de l’âge d’or et de l’utopie sociale et l’ambition d’un art total.
En 1886, il participe à la huitième exposition impressionniste, la dernière, à l'invitation de Berthe Morisot. L'année suivante, il se lie d'amitié avec Vincent Van Gogh et ensemble ils peignent sur les berges de la banlieue parisienne.

Au cours des années 1890, après un voyage en Italie et un séjour à Cassis puis à Saint-Briac en Bretagne, il devient le chef de file du néo-impressionnisme : apôtre enthousiaste du mouvement, il se livre à une véritable campagne de prosélytisme pour lui gagner de nouveaux adeptes.
Les impressionnistes ont accru la luminosité dans la peinture par le vacillement des traits de pinceau, tels des virgules, et par le recours à des tons vifs et artificiels. A partir de 1880, le jeune peintre Georges Seurat simplifia d’une manière encore plus radicale les figures et les paysages, les réduisant à des signes elliptiques, presque primitifs, allusion à ce que la peinture ne pouvait représenter : la vie moderne de la métropole, les vues de banlieue qui défilent, la lumière vaporeuse de la côte d’Azur.

Seurat étudia attentivement le livre de l’Américain Ogden Rood, « Modern Chromatics, Students Textbook of Color », dès sa parution française en 1881. Rood décrivait très clairement l’obstacle auquel se heurtait le peintre moderne de l’époque: l’incapacité de la matière picturale à représenter la lumière. Les couleurs de la lumière «s’additionnent»: les rayons violets et les rayons verts s’intensifient en produisant du blanc. Au contraire, les couleurs matérielles auxquelles recourt le peintre s’affadissent quand elles s’additionnent: mélangés sur la palette, les pigments violets et verts donnent un brun sale (ils sont «soustractifs»). Rood proposa donc d’abandonner le mélange des couleurs, pour juxtaposer celles-ci en «petits points» sur la toile et les faire mélanger par l’œil... Cette méthode est presque la seule manière pratique pour le peintre de mêler réellement, non pas des matières colorantes, mais des faisceaux de lumière colorée».

Voilà donc le concept magique du mélange optique dont Paul Signac, l’ami de Seurat, fut le porte-parole et le défenseur. Il suffisait de juxtaposer sur le tableau deux couleurs pures, non mélangées, en petites touches. A une distance suffisante, les couleurs «se mélangeraient dans I’œil». Il est de coutume d’expliquer le «néo-impressionnisme» par cette théorie du mélange optique. Pourtant, même à quinze mètres de distance, il reste difficile de prendre les petites touches jaunes et bleues d’un tableau de Signac pour du blanc (ce qui, d’après le mélange additif des «couleurs-lumière», devrait être le cas), ou pour du vert (conformément au mélange soustractif des pigments). Dans son livre « Art et science de la couleur » (1997), Georges Roque montre la contradiction essentielle de la théorie de Signac : comment des contrastes de couleurs, tel celui existant entre le rouge et le vert, peuvent-ils gagner en intensité s’ils «se mélangent optiquement» ? En effet, s’ils se renforcent, c’est justement parce qu’ils ne se mélangent pas. Se fondant sur sa pratique picturale, Signac lui-même en a d’ailleurs donné la raison : de très petits points formeraient un ensemble gris et incolore. Seules les touches d’une taille un peu plus importante et séparées optiquement peuvent renforcer la vibration des contrastes, d’après la loi du contraste simultané.

Signac a poussé ses recherches sur la libération de la couleur plus loin que Seurat. La correspondance optique avec la réalité a cédé le pas à l’harmonie, la lumière et les couleurs du tableau. Le 15 septembre 1894, Signac notait dans son journal de bord : « Il y a quelques années, je m’efforçais aussi de prouver aux autres, par des expériences scientifiques, que ces bleus, ces jaunes, ces verts se trouvent dans la nature. Maintenant, je me contente de dire : je peins ainsi parce que c’est la technique qui me semble la plus apte à donner le résultat le plus harmonieux, le plus lumineux et le plus coloré... et que cela me plaît ainsi.»

Titre

La baie de Cassis. Opus 200

Titre Alternatif

Cap Canaille

Éditeur

Collection privée;

Date

1889

Format

Huile sur toile

Droits

Non libre de droits