Description

[Résumé]
Cet article analyse les rapports entre les jardins et les paysages dans les récits des voyageurs français en Espagne du XVIIe au XIXe siècle. Il montre que ces deux espaces ne s'excluent pas mais prennent sens dans un schéma dynamique. De plus, le voyage, en tant qu'approche sensible et en mouvement, permet de saisir cette relation dynamique.

[Extrait]
Cet emploi paradigmatique du jardin pour décrire certains paysages espagnols permet aux voyageurs de souligner le travail de l'homme, qui a aménagé la nature. Ils insistent sur les opérations d'irrigation, de délimitation des parcelles, de création des cheminements, qui font de ces espaces agricoles de véritables jardins. L'organisation de la huerta en parcelles la rend semblable à un jardin aux parterres soigneusement entretenus, comme le remarque Louis Teste : « Chaque carré de terre est entouré d'un petit rebord en gazon et retient l'eau que l'on y amène au moyen de barrages qui réunissent les filets d'eau de la contrée et permettent de la distribuer à volonté sur tous les points. » (Teste, 1872, p. 208.) Le terme espagnol huerta dérive du latin hortus (jardin) mais n'a pas de connotation d'agrément. Il désigne un espace agricole dédié à la production. En qualifiant cet espace de « jardin », les voyageurs français font disparaître cette fonction utilitaire. Décrire les plaines andalouses ou levantines comme des jardins, c'est faire accéder au statut de troisième nature (le jardin) ce qui relève de la seconde nature (les plaines cultivées), ou même du paysage pour les voyageurs français, étant donné qu'ils ne cultivent pas ces terres. Ils les considèrent sous l'angle esthétique. Il s'agit là d'un exemple d' « artialisation », définie par Alain Roger, c'est-à-dire la transformation par le regard d'un espace productif en espace esthétique. Les voyageurs transforment la nature agricole en paysage par le biais du jardin. Ce qui les intéresse n'est pas l'aspect productif du lieu mais le résultat esthétique d'une telle profusion de végétation. Louis Teste énumère ainsi la diversité végétale de la huerta de Valence : « Elle présente le plus curieux mélange de cultures qui se puisse rencontrer. Les chênes verts, les oliviers, les pêchers, les poiriers, les pommiers y croissent pêle-mêle avec les orangers, les citronniers, les grenadiers, les mûriers, les nopals, les palmiers, les aloès et les figuiers. La canne à sucre y pousse à côté du roseau, des pommes de terre, du blé, du maïs, des fèves des rizières et des vignes. » (Teste, 1872, p. 208.) La huerta concentre un nombre important d'espèces. L'esthétique de la varietas caractérise ces parcelles et en fait des jardins. L'éloge de ces paysages passe par l'utilisation de tropes consacrés ordinairement à la description de jardin. Le jardin sert donc également de modèle rhétorique pour penser le paysage.

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Titre

Les relations entre jardins et paysages, dans les récits des voyageurs français en Espagne

Titre Alternatif

in Projets de paysage

Date

18/07/2011

Langue

Sujet

Jardin

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