Description

[Extrait]
Meursault semble agi plus qu’il n’agit de son propre chef et ce n’est que dans l’après-coup qu’il rend compte d’une légère distance narrative : « Et c’était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur. » La mécanique de son corps se met en branle sous le coup d’une excitation sensitive, rapportée sur le mode de l’immédiateté, mais aussi relatée dans une distance réflexive nourrie de comparaisons : « La brûlure du soleil gagnait mes joues et j’ai senti des gouttes de sueur s’amasser dans mes sourcils. C’était le même soleil que le jour où j’avais enterré maman, et comme alors, le front surtout me faisait mal et toutes ses veines battaient ensemble sous la peau. À cause de cette brûlure que je ne pouvais plus supporter, j’ai fait un mouvement en avant. Je savais que c’était stupide, que je ne me débarrasserais pas du soleil en me déplaçant d’un pas […]. L’Arabe a tiré son couteau qu’il m’a présenté dans le soleil. La lumière a giclé sur l’acier et c’était comme une longue lame qui m’atteignait au front. Au même instant, la sueur amassée dans mes sourcils a coulé d’un coup sur les paupières et les a recouvertes d’un voile tiède et épais. Mes yeux étaient aveugles derrière ce rideau de larmes et de sel. Je ne sentais plus que les cymbales du soleil sur mon front et, indistinctement, le glaive éclatant jailli du couteau en face de moi. Cette épée brûlante rongeait les cils et fouillait mes yeux douloureux. C’est alors que tout a vacillé. La mer a charrié un souffle épais et ardent. Il m’a semblé que le ciel s’ouvrait sur toute son étendue pour laisser pleuvoir du feu. Tout mon être s’est tendu et j’ai crispé ma main sur le revolver. La gâchette a cédé […]. » On ne peut pas postuler l’absence totale de métaphore, mais du moins noter le primat du réel sur le semblant.

Titre

Sous le soleil de L’Étranger

Éditeur

"Journal français de psychiatrie" (Revue), wwwwrès

Date

02/2015

Langue

Format

128 pages, p. 99-104

Source

www.cairn.info Lire l'article

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