Description

[Résumé]
La Méditerranée célébrée par Albert Camus, Philippe Sollers et Jean-Daniel Pollet relève d’une interrogation métaphysique ignorant pour l’essentiel les hommes réels, le paysage servant de décor à une représentation de la tangence au monde des individus, sous le mode du tragique et dans le cadre d’une démarche atemporelle, si bien que cette Méditerranée dont on proclame qu’elle est un foyer de multiples mises en relation, s’avère être exaltée par ses auteurs et ce cinéaste comme la mer des Grecs, et non pas comme celle des peuples qui en sont les riverains. Une Méditerranée plus soucieuse des humains et des rapports sociaux dans lesquels ils sont pris innerve l’œuvre de Jean Pélégri.
[Extrait]
En outre j’ai très vite éprouvé le sentiment que la Méditerranée célébrée par Camus, Pollet et Sollers relève d’une interrogation métaphysique ignorant pour l’essentiel les hommes réels, le paysage servant de décor à une représentation de la tangence au monde des individus, sous le mode du tragique et dans le cadre d’une démarche atemporelle, si bien que cette Méditerranée dont on proclame (et pas seulement à travers « mon » corpus !) qu’elle est un creuset, le foyer de multiples mises en relation, s’avère être exaltée par ces auteurs et ce cinéaste comme la mer des Grecs, et non pas comme celle des peuples qui en sont les riverains ; et même s’il arrive qu’on convoque l’Égypte pharaonique, Palmyre, l’Italie et l’Espagne pour l’inscrire dans une certaine profondeur historique (ainsi que le fait Pollet), cette conception demeure parente de celle qui discerne dans l’Europe, et d’abord dans sa composante culturelle germanique, une « fille » d’Athènes. L’enquête inhérente à toute étude critique, en tous les cas celle à laquelle je me suis employé ces dernières semaines, m’a en la matière assez brutalement déniaisé : chez Camus, à Tipasa, comme chez Pollet et Sollers, la Méditerranée revêt les atours d’une mer prétexte à un discours relatif à l’immanence du sacré et à la présence au monde, hermétique à la réalité de l’Histoire et aux peuples qui ont eu pâtir des rapports de domination qu’elle a instaurés. De ce point de vue, il est intéressant de situer (et de recourir à la lecture symptomale) le petit article de Jean-Luc Godard dans Les Cahiers du cinéma (que la postérité a retenu) en fonction de ce que ce même Godard a critiqué de et dans Méditerranée deux ans plus tard lors d’un entretien accordé à la revue Cinéthique dans lequel, selon les préoccupations politiques et la langue de l’époque, et en vertu de ses propres positions idéologiques, il reproche à son confrère de ne pas échapper à la spéculation et d’ignorer la « lutte des classes » :
« [...] il vaudrait mieux que, avant de faire MÉDITERRANÉE, Pollet ait milité trois mois, parce qu’après, au moment de faire le film, il le ferait autrement. MÉDITERRANÉE ne parlerait pas de la mort de la même façon, il parlerait peut-être de la lutte des classes, pas de la mort et du bassin méditerranéen comme Camus » (Jean-Luc Godard, Les Cahiers du cinéma, n° 187, février 1967).

Titre

La Méditerranée, la mer en allée avec le soleil ?

Titre Alternatif

in Mer ou mur ? Pour une histoire connectée de la Méditerranée.

Langue

Format

p. 81-99

Source

OpenEdition (consulté le 5 janvier 2022)
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