Description

[Résumé]
La Méditerranée célébrée par Albert Camus, Philippe Sollers et Jean-Daniel Pollet relève d’une interrogation métaphysique ignorant pour l’essentiel les hommes réels, le paysage servant de décor à une représentation de la tangence au monde des individus, sous le mode du tragique et dans le cadre d’une démarche atemporelle, si bien que cette Méditerranée dont on proclame qu’elle est un foyer de multiples mises en relation, s’avère être exaltée par ses auteurs et ce cinéaste comme la mer des Grecs, et non pas comme celle des peuples qui en sont les riverains. Une Méditerranée plus soucieuse des humains et des rapports sociaux dans lesquels ils sont pris innerve l’œuvre de Jean Pélégri.

[Abstract]
The Mediterranean celebrated by Albert Camus, Philippe Sollers and Jean-Daniel Pollet is the result of a metaphysical questioning that essentially ignores real people, the landscape serving as a backdrop for the representation of the tangency of the world of individuals, in the mode of tragedy and within the framework of an atemporal approach, so much so that this Mediterranean, which is proclaimed to be a focus of multiple connections, turns out to be exalted by its authors and this filmmaker as the sea of the Greeks, and not as that of the peoples who live along its shores. A Mediterranean more concerned with humans and the social relationships in which they are caught up permeates Jean Pélégri’s work.

[Extraits]
« Et, à Alger, une seconde fois, marchant encore sous la même averse qui me semblait n’avoir pas cessé depuis un départ que j’avais cru définitif, au milieu de cette immense mélancolie qui sentait la pluie et la mer, malgré ce ciel de brumes, ces dos fuyants sous l’ondée, ces cafés dont la lumière sulfureuse décomposait les visages, je m’obstinais à espérer. Ne savais-je pas d’ailleurs que les pluies d’Alger, avec cet air qu’elles ont de ne jamais devoir finir, s’arrêtent pourtant en un instant, comme ces rivières de mon pays qui se gonflent en deux heures, dévastent des hectares et tarissent d’un seul coup ? Un soir, en effet, la pluie s’arrêta. J’attendis encore une nuit. Une matinée liquide se leva, éblouissante, sur la mer pure. Du ciel, frais comme un œil, lavé et relavé par les eaux, réduit par ces lessives successives à sa trame la plus fine et la plus claire, descendait une lumière vibrante qui donnait à chaque maison, à chaque arbre, un dessin sensible, une nouveauté émerveillée. La terre, au matin du monde, a dû surgir dans une lumière semblable. Je pris à nouveau la route de Tipasa »
Albert Camus, « Retour à Tipasa », in Noces suivi de L’Été, Paris, Gallimard, « Folio », n° 16, 2013 [1959], p. 160.

Ces lignes de « Retour à Tipasa » et celles qui les suivent, écrites après la Seconde Guerre mondiale
« Dans cette lumière et ce silence, des années de fureur et de nuit fondaient lentement »., ibid. p. 162

ont valeur de mariage re-contracté avec le ciel:
« [...] toujours le même ciel au long des années, intarissable de force et de lumière, insatiable lui-même, dévorant une à une, des mois durant, les victimes offertes en croix sur la plage, à l’heure funèbre de midi »., ibid. p. 161.

la mer:
« [...] la même mer aussi, presque impalpable dans le matin [...] »., ibid p. 161.

et le Chenoua comme une vague pétrifiée:
« [...] le Chenoua, cette lourde et solide montagne, découpée dans un seul bloc, qui longe la baie de Tipasa à l’ouest, avant de descendre elle-même dans la mer. On l’aperçoit de loin, bien avant d’arriver, vapeur bleue et légère qui se confond encore avec le ciel. Mais elle se condense peu à peu, à mesure qu’on avance vers elle, jusqu’à prendre la couleur des eaux qui l’entourent, grande vague immobile dont le prodigieux élan aurait été brutalement figé au-dessus de la mer calmée d’un seul coup »., ibid., p. 161.

décrivent l’expérience à laquelle Camus se livre chaque fois qu’il se rend à Tipasa :
« Et sous la lumière glorieuse de décembre, comme il arrive une ou deux fois seulement dans des vies qui, après cela, peuvent s’estimer comblées, je retrouvai exactement ce que j’étais venu chercher et qui, malgré le temps et le monde, m’était offert, à moi seul vraiment, dans cette nature déserte », Ibid., p. 162.

« Et sous la lumière glorieuse de décembre, comme il arrive une ou deux fois seulement dans des vies qui, après cela, peuvent s’estimer comblées, je retrouvai exactement ce que j’étais venu chercher et qui, malgré le temps et le monde, m’était offert, à moi seul vraiment, dans cette nature déserte »

Titre

La Méditerranée, la mer en allée avec le soleil ?

Titre Alternatif

in Mer ou mur ? Pour une histoire connectée de la Méditerranée, chap. Un Mare nostrum entre double sens et sens unique

Éditeur

Revue Babel

Date

1/12/2021

Langue

Format

n° 43, pp. 81-99

Identifiant

https://doi.org/10.4000/babel.11965

Source

OpenEdition Journals
Lire l'article en ligne, consulté le 19 avril 2022

Droits

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