Description

[Descriptif Anne STEINBERG-VIÉVILLE. Extrait de Nicolas de Staël, la moisson italienne (série des « Agrigente »)]

C'est un singulier paysage qui nous attend, intitulé Sicile, vue d’Agrigente : sur un peu plus d’un mètre carré, des rapports de couleurs audacieux cherchent un équilibre ; une éclatante gamme d’ocres, rehaussés de blanc, rouge et violet, se heurte à une mer noire et à un ciel vert. Bien qu’inhabituelle, cette tonalité ne surprendra pas les amoureux de la Toscane : il l’ont déjà rencontrée à Castelfiorentino sous le pinceau de Benozzo Gozzoli ; assurément, Staël a fait le détour, bien avant l’édification du musée éponyme, et il se souvient des fresques du Tabernacle de la Visitation ! Il applique à nouveau la technique de l’opus tessellatum en séparant chaque triangle de couleur par une bande grisée, comme s’il s’agissait de formes découpées. À l’évidence, il a bien regardé des « kilomètres de mosaïques. »

[...] À l’été 53, en famille et sans son matériel de peintre, Nicolas de Staël met le cap au Sud. Destination la Sicile, Syracuse et Agrigente, où il séjourne deux mois, sous un soleil de plomb ; l’itinéraire passe par Gênes, la Toscane, Ravenne, Rome, Tivoli, Naples, Pæstum et Pompéi. Sa correspondance atteste l’ivresse du voyage : « Je roule de France en Sicile, de Sicile en Italie, en regardant beaucoup de temples, de ruines ou pas, de kilomètres carrés de mosaïques. » Il visite les musées, se gorge de nature et de culture, s’enivre de couleurs : la Vallée des Temples, les latomies, les époustouflants décors et la mer insolée rassasient ses sens, avides de lumière, d’espace et de beauté. Il est irradié, redécouvre les formes pures inventées par les Grecs, les lumières parfaitement ordonnées, comme dans l’art de la mosaïque, et il fait au feutre un nombre impressionnant de croquis qui fixent le squelette du paysage. Françoise témoigne : « il dessina beaucoup, en série, comme toujours, d’une feuille à l’autre, très rapidement, sans hésitation ni retouche. » [...] La sensibilité de Nicolas de Staël s’est donc exacerbée au cours du voyage en Italie : tant d’espace, de lumière et de couleurs l’ont bouleversé au point de modifier sa peinture. Les formes se simplifient, les aplats aériens se substituent aux empâtements, les brosses aux couteaux, et les couleurs deviennent paroxystiques pour témoigner de l’opulente lumière du Sud. Staël maitrise la technique de l’abstraction figurative appliquée aux paysages : il donne à voir un concentré d’émotions, revécues par le souvenir, et il incendie notre rétine.
Au terme de cet aperçu, on comprend aisément que la série des Agrigente, exposée à New York en février 54, enthousiasma les Américains et apporta gloire et fortune au «prince foudroyé.»

Dans ces œuvres, le regard du peintre semble suivre l’évolution rapide de la lumière un soir de fin d’été ; ce qui lui permet d’atteindre des moments de lumière mystérieuse grâce à son talent de coloriste. Un mois après son arrivée à Lagnes, Nicolas de Staël entreprend un voyage en famille en Italie qui l’amène en Sicile en août 1953. Le paysage traversé pendant le voyage trouve son expression à travers une série de trois tableaux. Ceux-ci amorcent de la série des tableaux de Sicile, souvenirs fidèles des bruns, ton calcinés et dorés de l’été sicilien.

Titre

Sicile, vue d’Agrigente

Éditeur

Musée de Grenoble (FR)

Date

1953

Format

Huile sur toile, 1m x 1m

Droits

Non libre de droits