Description

Résumé
Au cours du long congé qu’il obtient de 1836 à 1839, Stendhal, consul en Italie – la patrie de son cœur – depuis 1830, redécouvre dans la mère patrie une France profondément transformée par le tournant de la croissance pris sous la monarchie de Juillet. C’est de ce véritable choc que témoignent les « voyages en France », où le voyage de reconnaissance s’accompagne d’un retour sur soi quand les choses vues renvoient Stendhal au point aveugle de sa vision, de la France et du monde. À revoir la France, Stendhal revoit aussi son système axiologique pour aboutir, entre étude sur le vif et médiation de la fiction, à un partage sémantique entre civilisation et culture qui suit assez fidèlement la ligne de partage des eaux entre Méditerranée et Atlantique.

Abstract
While on the prolonged release from duty that he is granted between 1836 -1839, Stendhal, consul in Italy - the country of his heart - since 1830, rediscovers in his fatherland, France, a country utterly changed by the swerve in growth that has occurred since the July Monarchy. This is the real shock that his “journeys in France” testify to, when the journey of recognition is accompanied by the self-examination in which what he sees sends Stendhal back to the blind spot of his vision, of France and of the world. Upon revisiting France, Stendhal also revisits his axiological system, which brings him, between life study and fictional mediation, to a semantic separation between civilization and culture, which follows quite closely the separation of waters between the Mediterranean and the Atlantic.

[Extrait]
Cette ligne de démarcation, flottante puisque susceptible de variations qui vont de Nantes-Coblentz (MT, 61) à Saint-Malo-Genève ou Besançon-Nantes (MT, 30, 53-54), vaut aussi ligne de partage des eaux : à Marseille, « on jouit en paix de la mer de Provence, si différente de celle de Dieppe » (VF, 506). S’il n’est rien là encore qui passe le simple constat, à Albaro, faubourg de Gênes, le contraste se leste d’un caractère axiologique, quand « les citronniers penchent leurs rameaux sur la mer et, quand le vent fait tomber un citron de l’arbre, il tombe dans la mer. Voilà ce qui est impossible sur l’océan, dont les rivages sont entourés deux fois par jour d’une demi-lieue de boue dégoûtante à voir » (VF, 540). La description vaut ampliation des termes d’une dialectique formulée à Marseille, que l’on gagne par un point de vue qu’on appelle « la Vista, la vue par excellence » :
"À droite, on vient d’apercevoir tout à coup la Méditerranée. Elle forme un golfe animé par une multitude de barques ; les rayons du soleil levant sèment d’étincelles les petites vagues de cette mer tranquille et mollement agitée par la brise du matin. Les rochers peu élevés qui s’avancent dans la mer forment ici un angle droit avec la côte le long de laquelle on marche, et donnent à l’ensemble du paysage une aménité singulière.
J’ai souvent rencontré ces vues gracieuses sur les côtes de la Méditerranée. Comme cette mer n’a pas de flux et de reflux, elle offre rarement ces aspects désolés, si communs sur les tristes rivages de l’océan. Ses côtes ne sont jamais gâtées par cette demi-lieue de sable et de boue qui, dans les ports de l’Atlantique, deux fois par jour régulièrement, viennent attrister le voyageur et lui montrer les navires penchés sur le côté. Rien n’est propre et pur comme les côtes du golfe de Bandol "(VF, 489).


Titre

Culture vs. Civilisation dans les « voyages en France » de Stendhal : maltraités de l’Atlantique Nord et union pour la Méditerranée

Titre Alternatif

in Horizons des mondes méditerranéen et atlantique : imaginaires comparés. Le partage des eaux.

Créateur

Éditeur

Babel, Littératures plurielles

Date

2014, n°29

Langue

Couverture temporelle

19e

Format

p. 99-121

Source

OpenEdition Journals
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Droits

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