Description

Avec une obsession du paysage et une attirance certaine pour l’eau, Albert Marquet (1875-1947) a essentiellement peint des ports, des plages et des bords de rivières, sur le motif, comme son ami Matisse qui fut son condisciple à l’École des Beaux Arts de Paris. Dès les années 1899, il met en place sa manière de peindre le paysage et choisit ses thématiques, inventant des variations sur un même thème. Il restera dans cette voie toute sa vie, sans se départir de son trait à la fois souple et cursif et de sa vision du paysage synthétique. Marquet n’abuse guère des détails et ébauche d’un coup de pinceau les personnages et les éléments du paysage. C’est de loin qu’il faut regarder ses tableaux, c’est à distance que les lignes de force de la composition se dessinent, que la toile prend de la profondeur. Aimanté par l’eau, Marquet y revient sans cesse, mais à la différence des impressionnistes, il ne s’intéresse pas à la diffraction de la lumière sous l’effet des vaguelettes, il peint l’eau comme un miroir dans lequel se reflètent les arbres (La Varenne Saint-Hilaire, la barque, 1913).
S’il a évolué avec les mouvements de son époque, Marquet n’a jamais basculé totalement vers l’un ou l’autre, gardant une certaine distance stylistique et son originalité. Et finalement, s’il est moins connu que ses amis Matisse, Dufy ou Rouault, rien n’est plus reconnaissable qu’un tableau de Marquet. Proche de Dufy avec lequel il part peindre en Normandie entre 1906 et 1911, il pavoise ses bateaux de drapeaux colorés, utilise des aplats de couleurs pures et vives, mais son fauvisme ne sera jamais aussi audacieux que celui de Dufy ou de Manguin (Affiches à Trouville, 1906 ; La Jetée à Sainte-Adresse-La passerelle, 1906 ; Honfleur. Le mât pavoisé, 1911). Il y reviendra un peu dans les années 1930, lors de ses séjours aux Sables-d’Olonne ou au Pyla à proximité de Bordeaux où il est né et où le musée des Beaux-arts conserve une belle collection de l’artiste. Mais entre temps, il aura plongé ses ports (Rotterdam, Hambourg, le Havre…) et ses quais de Seine à Paris dans le crachin neigeux de l’hiver, les ciels plombés par les fumées, les ambiances cotonneuses et tristes de décors urbains et industriels faits de bâtiments cubiques, de ponts, de cheminées, de péniches, d’écluses et de quais, juste animés par la circulation des piétons et des voitures à cheval. Même ses vues de la Baie de Naples baignent dans une lumière blanchâtre, loin des traditionnelles couleurs chaudes méditerranéennes, tout comme ses vues du port d’Alger où il séjourna à plusieurs reprises, notamment entre 1940 et 1946, après avoir signé la pétition de protestation des artistes et des intellectuels contre le nazisme. Une peinture sensible, mais empreinte de mélancolie et parfois fade, qui étonne de la part de ce grand voyageur à l’esprit indépendant et résistant et qui jouissait d’être dans le paysage.
Catherine Rigollet, Albert Marquet. Peintre du temps suspendu, L'Agora des arts

Titre

La baie de Naples

Éditeur

Musée de l’ermitage

Date

1908-1909

Couverture temporelle

Format

Huile sur toile, 62 x 83,2 cm

Droits

Libre de droits