Description

Comédie dramatique. Le film est une adaptation par réalisée l’Anglais Michael Radford du roman Une ardente patience d’Antonio Skarmet, écrivain chilien qui a lui-même réalisé une version cinématographique, Ardiente Paciencia, en 1985.Synopsis. L'action se déroule dans les années 1950, sur la petite île italienne de Salina en mer Méditerranée. Il propose une reconstitution de l’exil italien de l’écrivain chilien Pablo Neruda (Philippe Noiret) sur l’île éolienne de Salina. Sous le coup d’un mandat d’arrêt au Chili, pour son engagement communiste, le poète arrive en exil en Italie avec sa femme, et s’installe sur l’île. Mario Ruoppoli, (Massimo Troisi), fils de pêcheur travaille avec son père mais rêve d’un autre métier. Presque illettré, timide, il est recruté par le chef du bureau de poste local comme facteur cycliste et livre son courrier à Pablo Neruda, exilé sur l'île. Au fil des dessertes, Pablo et Mario se lient d'amitié. Mario en admiration devant Pablo Neruda, réputé pour être le poète de l’amour, apprendra à son contact le pouvoir de la poésie et de l’art de la séduction épistolaire de l’élue de son coeur la belle cafetière Beatrice Russo (Maria Grazia Cucinotta). Le film a été tourné pour partie dans la petite île éolienne volcanique de Salina (27 km2) dans le hameau de moins de 100 habitants (aujourd’hui) de Pollara, situé à la pointe ouest de l’île dans une anse de pierre et de verdure. Le poète serait également passé à Capri et Procida où auraient été tournées selon plusieurs sources quelques scènes du film. Mais Salina est une sorte d’anti-Capri. Le village de cabanons de pêcheurs troglodytes était alors doté d’une plage de galets volcaniques (aujourd’hui disparue en raison de la montée des eaux) qui joue un rôle important dans le récit. Les personnages s’y rencontrent à plusieurs reprises, le grand poète s’y baigne en marcel et c’est là qu’au terme de sa métamorphose poétique le facteur ira enregistrer l’essence même de la Mer Méditerranée, condensé de toute beauté.
Au début du film Pablo Neruda pose au facteur la question "Décris quelque chose de beau sur ton île". Il lui tend le micro de son petit enregistreur, mais Mario hésite à répondre au poète. Il répond, instinctivement, "Beatrice Russo", nom de la très belle cafetière du village dont il est secrètement amoureux. Le grand poète se propose alors de procéder à l’initiation poétique du jeune homme. Il lui apprend les mots, l’art des métaphores et la conscience que la beauté ne saurait se limiter à celle de l’altière cafetière, que le facteur parviendra pourtant à charmer par ses poétiques métaphores évoquant son sourire "déployé comme un papillon". Peu à peu, la brèche de la sensibilité et de l’intelligence du simple facteur s’ouvre. Initié par le maître à la lecture des grands poètes et au sens des mots, il redécouvre, avec exaltation, la beauté de son île bucolique et méditerranéenne, et ambitionne avec une sorte d’urgence fébrile d’en saisir capter et fixer dans toutes ses manifestations vivantes pour illustrer sa nouvelle définition ouverte et universelle de la beauté. Au terme du film, le facteur se sert lui-même de l’enregistreur pour tenter d’apporter une réponse essentielle à la question initiale du grand poète. Cette réponse lui apparaît alors avec évidence. Il s’emploie dès lors dans une sorte d’urgence fébrile à parcourir son île et à mettre en boîte tous les sons qu’il perçoit comme beaux au fil de ses sorties sur Salina. Il sélectionne huit sons, solennellement énoncés par le facteur, saisi alors par la caméra en gros plan, en alternance avec les plans larges des lieux où on le voit les capter :
1/ les petites vagues dans la crique
2/ les grandes vagues
3/ le vent sur la falaise
4/ le vent dans les buissons
5/ les filets de pêche de mon père
6/ la cloche de la Maldonne des douleurs et le prêtre
7/ le ciel étoilé de l’île de l’enregistrés
8/ le coeur du bébé qu’attend Beatrice à la fin du film.
Les sons qu’il capte pour en sédimenter et thésauriser en quelque sorte l’essence, se réfèrent au lien indissociable et spécifique que la terre îlienne entretient avec la mer méditerranée et qui détermine des topoi socio-culturels marqués. L’exil incarné par Neruda, qui par sa culture venue d’ailleurs métamorphose l’ilien Mario (c’est grâce à l’appareil de Neruda que Mario apprend à percevoir la beauté essentielle des sons de l’île et les capte), l’économie simple et précaire des petits ports côtiers (la beauté du bruit du filet de pêche que son père remonte, le poids social de la religion et des traditions (le son de la cloche et la voix du prêtre), et au-delà de cadre spécifique, la plus large portée universellement symbolique et poétique de cette mer, berceau du monde (la beauté de la nuit étoilée et le bruit du coeur de l’enfant que porte Beatrice). Le film et l’extrait choisi nous paraissent à cet égard proposer un point de vue éclairant sur la beauté méditerranéenne que Salina incarne et dont le personnage du facteur tente de saisir l’essence poétique. Ce point de vue est celui du paradoxe fondamental qui fonde précisément son essence et qui s’incarne dans un certain sens dans les rencontres successives et superposées que le film propose. La première rencontre est celle qu’opère le poète chilien en exil avec la beauté rocailleuse, brute et abrupte, mais généreuse de l’île dont le facteur paraît être en quelque sorte un prolongement incarné, pétri de spontanéité simple, brute, instinctive mais curieuse de l’étranger. La seconde rencontre est celle que le facteur fait peu à peu avec lui-même, en même temps qu’avec la beauté de son île qu’il découvre au terme de sa quête-initiation exaltée des mots et de leur poésie. Le contraste entre les deux protagonistes s’impose dans leur évidente incarnation respective de deux univers intellectuels et culturels aux antipodes l’un de l’autre: le premier, maître reconnu de la poésie de l’amour la plus universelle et l’autre, simple pécheur au corps et au langage taillé à la serpe, reconverti en facteur cycliste dégingandé, sans d’autres lettres que celles qu’il transporte, simple et "brut" comme l’est son île Salina. Dans ce couple contrasté mais complémentaire se dessine toute la nature ambivalente des îles méditerranéennes : pétries de matière originelle, brute, surgies de la mer sous la poussée d’épisodes volcaniques violents qui ont marqué leurs paysages et leurs topographies (les plages de sable noir, l’île de Stromboli à une quarantaine de kilomètres en face de la côte Nord de Salina), leur simplicité et rudesse originelle a de tout temps dû composer avec les cultures étrangères (comme la poésie de l’hédoniste Neruda en exil sur l’île), s’en enrichir et l’assimiler à ses propres légendes et mythes antiques et ancestraux. Comme elles, le facteur s’ouvre au fil du récit au contact de la proximité de Neruda, à une culture poétique qui va le rendre accessible à l’universelle majesté de son île qu’il avait jusque là perçue de manière plus instinctive et partielle. Sur l’île méditerranéenne, berceau de tous les passages, se dépose en somme un ancestral legs auquel il suffit d’être attentif pour le retrouver dans chaque instant présent, chaque plage de lave noire, chaque vague qui vient en ramener une sorte d’écho sonore. C’est à cette ancestrale beauté que le facteur a su devenir attentif. Mots-clés (exprimant le rapport identifié de cette représentation à la Méditerranée) Neruda, île, mer, éolienne, Salina, poésie, beauté méditerranéenne.

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