Description

[Synopsis]
D’un périple de trente-cinq mille kilomètres autour de la Méditerranée, Pollet ramène les visions furtives de jardins, de portiques, de corridas, de masques funéraires qui ont le mystère éclatant d’un lieu de béatitude éternel opposées au visage serein d’une jeune femme sur une table d’opération, de temples grecs en ruine, des pyramides d’Égypte, d’un palais sicilien, mais aussi d’un bunker de la Seconde Guerre mondiale, d’une orange dans un verger, d’une femme qui se peigne ou boutonne sa tunique, d’un laminoir d’où sort un pain de métal rougeoyant…
« C’est l’époque où commence le Nouveau Roman. J’y ai plongé et ça a donné Méditerranée. Je me suis dit comme ça, une nuit : tiens, je vais faire le tour de la Méditerranée. C’était pour boucler la boucle. C’est à dire, il y a trente-cinq mille kilomètres et on les fait… »
[Commentaire]
« Méditerranée » rompt avec l’écriture cinématographique en forme de récit séquentiel, il multiplie les répétitions, il tient plus de la musique et de la poésie que de l’écriture cinématographique adaptée du roman. Au même moment, l’avant-garde littéraire rompt avec le modèle classique du roman. Le nouveau roman fait ses gammes, Philippe Sollers flirte un instant avec ce courant, mais se lance dans sa propre expérimentation. Il a besoin de son propre fleuve pour y nager. Le crédo du roman séquentiel avec un début, un développement, une fin est aboli ; il devient composition pseudo mathématique ou logique (Nombres)... spirale infinie, fugue... Les figures géométriques se mettent à danser, la périphérie se concentre dans son centre et réciproquement... Etrange exploration du temps où le temps de l’écriture plonge dans celui d’avant la parole, celui de la mémoire première, aux sources de la vie, de la mort, de l’être. C’est le temps où quelques philosophes de métier frayent avec cette littérature. Ils ont pour nom, Barthes, Derrida... irrésistiblement attirés par ce courant - lire la récente biographie de Derrida par Benoît Peeters [1]. Ces philosophes se frottent à la littérature, ces écrivains se frottent à la philosophie. Ebats contre nature. Des écarts de conduite que l’Université n’avalisera jamais et dont ils souffriront.
Le cinéma d’avant-garde que défend Jean-Daniel Pollet suit le même cours. Rétrospectivement, Méditerranée apparaît comme le film manifeste de ce courant. Et c’est, peut-être, pour cela que Jean-Luc Godard tient à l’honorer en 2010. Il se sent en empathie et en filiation directe avec ce cinéma, il en est aussi l’emblème.
Plans répétitifs, flux et reflux, associations et oppositions... le découpage, les motifs, les mouvements de caméra, un voyage en Méditerranée, la vie, la mort, la mémoire, l’être se retrouvent dans les deux films, au delà de leurs spécificités propres.

Dans la forme, le heurt des plans est plus violent chez Godard où chaque plan restitue son propre son alors que la musique chez Pollet se prolonge d’un plan sur l’autre, les liant entre eux et le commentaire va renforcer ce lien.
Rythme des plans beaucoup plus marqué chez Godard qui va intercaler des suites de plans très courts, parmi les plans longs, alors que les plans sont uniformément longs dans ce film de Pollet. Impression de lenteur d’un long "fleuve tranquille" chez Pollet et d’un "fleuve sauvage" chez Godard, avec ses rapides, chutes, ses ruptures de rythme et de son.
Godard actualise aussi ses thèmes en fonction de l’air du temps présent et des thèmes nouveaux apparaissent : le mal-être de de la génération "sacrifiée", incarnée dans une jeune fille (voir la séquence de la mère et la fille à la blouse à la station service).
La jeune fille à la blouse de Méditerranée, elle, est pleine d’espérance dans la vie. Elle rayonne et c’est une séquence d’anthologie exceptionnelle qui figure dans l’extrait vidéo ci-après.

Collection

Documents Mer

Titre

Méditerranée

Éditeur

Distribution La traverse

Date

1963

Format

Film couleur, 44 mn

Droits

Non libre de droits