Description

[Extrait]
Le mot «Méditerranée» est peu présent chez Lamartine. Une recherche d’occurrence à partir de textes numérisés ne donne presqu’aucun résultat, que ce soit dans l’œuvre poétique ou en prose, y compris dans des ouvrages de vulgarisation comme le Cours familier de littérature. Le terme n’apparaît pas une seule fois dans le Nouveau Voyage en Orient (1851-1853)– comme l’indique le titre, c’est encore et toujours, au milieu du XIXe siècle, l’Orient qui fascine les voyageurs, celui-ci fût-il un espace aux frontières mouvantes, auquel on associe parfois le Maghreb, depuis que les peintres orientalistes voyagent. Même Graziella (1849), qu’on peut lire comme un roman méditerranéen, ne comporte pas une seule occurrence du terme en question, si ce n’est dans l’évocation rétrospective du séjour napolitain du jeune poète1. En revanche, le Voyage en Orient– le premier, celui que Lamartine publia en 1835, et qui connut dix-sept éditions de son vivant– comporte douze occurrences du mot «Méditerranée»: c’est suffisant pour y voir un fil rouge et pour s’interroger sur sa signification. Avant d’en venir à la présence de ce vocable dans le Voyage en Orient, rappelons en quelques mots les circonstances du voyage. Après un début de carrière diplomatique en Italie,Lamartine démissionne en 1830, par fidélité aux Bourbons. Il s’ouvre du même coup les portes de la carrière politique qu’il ambitionne. De fait, le poète voyageur sera élu député alors qu’il est encore en Syrie– c’est le début d’une longue marche qui le conduira au pouvoir, mais de manière éphémère, puisque Lamartine ne restera que six mois ministre des Affaires étrangères, en 1848. En été 1832, il s’embarque donc à Marseille, sur un brick qu’il a fait affréter, avec sa femme Marianne, sa fille Julia (qui mourra de tuberculose à Beyrouth), un domestique, Geoffroi, qui tiendra lui-même un petit carnet de route, enfin trois amis, dont l’un, le médecin Delaroière, publiera à son tour un récit de ce même voyage – mais une année après celui de Lamartine, c’est-à-dire en 1836. Ce dernier est l’un des derniers écrivains à traverser la Méditerranée sur un bateau à voile. Il est donc fortement dépendant des conditions climatiques, ainsi que des risques d’être attaqué par des pirates– risques encore bien réels à cette époque, et que le narrateur du Voyage en Orient s’empressa d’exploiter littérairement. La traversée de la Méditerranée, peu après la conquête d’Alger, n’a rien d’un voyage touristique,au sens moderne du terme. «Je suis parti: les flots ont maintenant toute notre destinée», lit-on à la date du 10 juillet 18322. La mer est une «épreuve», au sens initiatique du terme,comme l’a relevé à juste titre Nicolas Courtinat.

Titre

La pensée méditerranéenne de Lamartine

Éditeur

HAL

Langue

Format

Article scientifique

Source

HAL.science (consulté le 1er juin 2023)

Droits

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