Description

[Résumé]


La Côte d’Azur est une invention anglaise à bien des égards. Elle est d’abord une invention au sens étymologique du terme : entre 1760 et 1860, à l’instar des mondes extra européens, le littoral de la Provence orientale et du pays niçois est objet de découverte. Ici c’est le touriste étranger, celui du Grand Tour, qui pose son regard sur une nature vierge, celle d’une Méditerranée perçue comme édénique. Vient ensuite l’appropriation par le regard de l’autre, par le biais des représentations littéraires et iconographiques des récits de voyages et des vedute. Enfin, arrive le temps du lancement pour employer l’expression consacrée, autrement dit, l’intégration des localités dans le circuit des premières stations de la villégiature internationale. Elle est avant tout une invention britannique : les voyageurs venus d’outre-Manche ont en effet été les créateurs, les propagateurs et les principaux protagonistes de la seconde partie du xviiie siècle au début du xxe siècle de la vocation touristique de la Riviera. Les débuts de la villégiature anglaise de Cannes à Menton entre 1760 et 1860 offrent un champ d’étude exceptionnel du processus de l’invention touristique par sa précocité et sa durée mais aussi par la diversité de ses manifestations et de ses conséquences. Le littoral compris entre le massif de l’Esterel et les premiers contreforts des Apennins se distingue et s’individualise dans l’esprit des premiers voyageurs comme la porte de l’Italie. La Riviera demeure jusqu’au milieu du xixe siècle encore liée à l’imaginaire du Grand Tour ou du voyage d’Italie. Pourtant, le temps de l’installation pour la villégiature d’hiver connaît ses prémisses à Nice dès les années 1760. Se constituent ainsi très tôt des quartiers anglais de la villégiature qui commencent à façonner le paysage par l’introduction de modes de construction et un urbanisme nouveaux. Ces premières colonies d’hivernants furent le New Borough au quartier niçois de la Croix de marbre, les quartiers de la Croix des gardes à Cannes ou encore de Carnoles ou de Garavan à Menton. Constituées en marge des localités et de la société locales, leur influence sur celles-ci ne cessera de s’accroître par les capitaux financiers qu’elles sont capables de mobiliser et la notoriété des plus illustres de ses membres. Emergent ainsi les figures de Lord Brougham à Cannes et de James Henry Bennett à Menton, les inventeurs des nouvelles stations entre 1834 et 1860. La villégiature britannique a suscité des transferts culturels et techniques dont les multiples manifestations ont profondément transformé l’économie locale et partant, la société traditionnelle. Le mode de vie des hivernants et leur perception des paysages méditerranéens ont donné naissance entre 1780 et 1860 à des projets de villas maritimes, de jardins et d’urbanisme originaux. L’introduction des bains de mer sur la Riviera avant 1860 est emblématique de ces transferts culturels britanniques. L’originalité de Nice réside dans la double influence qui s’y est entrecroisée des modèles italiens et britanniques des pratiques et des architectures balnéaires.

[Abstract]


In many respects, the French Riviera is an English invention. First, it is an invention in the etymological sense of the term. Between 1760 and 1860, the coast of eastern Provence and of the region of Nice (like other areas outside Europe) was “discovered” by foreign travelers on the Grand Tour who gazed at the unsullied nature of the Mediterranean and perceived it as another Garden of Eden. Then such first-hand observations were appropriated by others through literary or iconographic representations such as travelogues or vedute. Finally came « launch time », as the expression goes: that is, the progressive inclusion of local towns in the ranks of top resorts for international travelers. It is indeed above all a British invention: from the second half of the 18th century to the 20th century, travelers from the British Isles were the creators, the propagators, and the main protagonists of the Riviera as a touristic haven. The early stages of the British presence from Cannes to Menton between 1760 and 1860 offer an exceptional field of study with regard to the process of touristic invention, not only because of its precocity and its duration but also to the diversity of its manifestations and its consequences. The coast between the Esterel massif and the first foothills of the Apennines stands out and is identified in the minds of the first travelers as the gateway to Italy. Until the mid-19th century, the Riviera remains linked in the imagination to the Grand Tour or the voyage to Italy. The beginnings of the habitual winterstay in Nice are evident, however, as early as the 1760’s. Thus, neighborhoods of English holiday homes start to grow early on and fashion the landscape through the introduction of new building methods and new town planning. The first few colonies of winter visitors were the New Borough in the Croix de Marbre section of Nice, the Croix des Gardes district in Cannes, or Carnolès or Garavan in Menton. Built up on the edge of town and on the fringe of local society, these colonies exercise increasing influence on the locals because of the financial capital they can wield and the fame of their most illustrious members. Among these personalities, Lord Brougham in Cannes and James Henry Bennett in Menton are notable as the creators of the new resorts between 1834 and 1860. The British seasonal communities led to cultural and technical transfers whose numerous manifestations profoundly changed the local economy and, as a result, traditional local society. The way of life of the winter visitors and their perception of Mediterranean landscapes gave rise between 1780 and 1860 to original projects for seaside villas, gardens, and communities. The introduction of seabathing on the Riviera before 1860 is emblematic of these British cultural transfers. The originality of Nice lies in the double influence of Italian and British models which are interwoven in local bathing practices and architecture.

Table des matières

Titre

La villégiature anglaise et l’invention de la Côte d’Azur

Titre Alternatif

in Revue "In Situ", Architecture et urbanisme de villégiature : un état de la recherche. Les premiers sites de villégiature : bilans et nouveaux regards.

Créateur

Éditeur

Revue "In Situ", Revue des Patrimoines, Ministère de la Culture

Date

2014

Langue

Format

Format électronique, N°24

Identifiant

https://doi.org/10.4000/insitu.11060

Droits

Non libre de droits