Description

Matisse rêvait d' « un art d’équilibre, de pureté, de tranquillité, sans sujet inquiétant ou préoccupant, qui soit [...] un lénifiant, un calmant cérébral ». Cette sérénité, il la trouve d'abord dans les paysages méditerranéens.
Mais, peu à peu, le plein air laisse place à des scènes d’intérieur, baignées d’une lumière assourdie, filtrée par les persiennes. Son installation à Nice coïncide avec ce glissement vers une intériorité revendiquée en ces termes : « Si j’ai pu réunir dans mon tableau ce qui est à l’extérieur, par exemple la mer, et à l’intérieur, c’est que l’atmosphère du paysage et celle de la chambre ne font qu’un… Je n’ai pas à rapprocher l’intérieur et l’extérieur, les deux sont réunis dans ma sensation ». Déplaçant sans cesse tables, rideaux et fauteuils, Matisse réagence l’ameublement de ses chambres d’hôtel ou de ses appartements pour composer de subtiles variations autour de ce motif familier. Dénuées de tout érotisme, les figures féminines, nonchalamment étendues dans l’atmosphère émolliente d’un début d’après-midi, s’y dissolvent dans de subtiles harmonies colorées.

[Analyse Isabelle Monod-Fontaine]
Intérieur à Nice, la sieste a été peint également dans l'appartement de la place Charles Félix. Ce n'est plus cette fois la chambre close où la couleur seule suggère la lumière, mais la chambre baignée par la lumière filtrée par les persiennes. Le contraste est sensible et délectable entre l'éclatante clarté du dehors et la pénombre lumineuse, plus fraîche, du dedans, le tout unifié dans l'espace plan de la toile. Les couleurs utilisées sont presque transparentes et légèrement posées, comme des touches d'aquarelle, avec une aisance apparente, une spontanéité difficilement conquise. Dans la « boîte à lumière » organisée par le peintre, tout est mis sur le même plan (palmiers dehors, fleurs du vase et du mur, du tapis, ou du fauteuil, visage- fleur du modèle, fleur à sa ceinture, et même les images du livre qu'elle ne regarde plus). De chaque tache de couleur émane une quantité modulée de lumière, la touche de Matisse jouant le même rôle que les lames des persiennes dans la réalité. Ce petit tableau peut être précisément daté de l'hiver 1921-1922, puisque nous connaissons la date de la vente aux frères Bernheim, le 13 février 1922. Ceux-ci le revendront très vite au banquier Georges Bénard (le 1" mars 1922). La collection de Georges Bénard, qui comprenait quatre tableaux de Matisse, dont La Chaise aux pêches (1919, repr. in « Pierre Schneider, Matisse, Paris, Flammarion, 1984 », p. 165), est dispersée le 9 juin 1933 à l'Hôtel Drouot. Intérieur à Nice, la sieste passe alors dans la collection de Monsieur Pommier, puis dans celle de Frédéric Lung, négociant alsacien installé en Algérie vers 1885, qui rencontre à Alger Dufresne et Marquet et, par eux, commence à constituer une collection d'art moderne, léguée aux Musées nationaux en 1961. La Fondation Barnes conserve une œuvre très proche de Y Intérieur à Nice, intitulée Confidences.
Source :
Extrait du catalogue Œuvres de Matisse, catalogue établi par Isabelle Monod-Fontaine, Anne Baldassari et Claude Laugier, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 1989

Titre

Intérieur à Nice, la sieste

Éditeur

Musée Centre Pompidou (Legs de Mme Frédéric Lung, 1961), Paris (FR)

Date

Vers janvier 1922

Langue

Format

Huile sur toile, 66 x 54,5

Identifiant

N° d'inventaire : AM 3906 P

Droits

Non libre de droits