Description

[Extrait]

Le cinéma a beaucoup donné à Tanger. Et Tanger, l’inspiratrice, le lui a bien rendu. Nombre de films portent son nom : Tangier (1946), Mission à Tanger (1949), Vol sur Tanger (1953)… Cinquante-trois films au moins ont été tournés ici. La légende dit même que c’est Tanger qui a inspiré le fameux Casablanca (1942), mais que les producteurs ont décidé de changer le titre, car le nom de Casablanca sonnait d’une manière plus romantique, meilleure pour la publicité. Evidemment, ils avaient raison. Tanger est la fille bâtarde du cinéma, elle adore le cinéma, et le cinéma l’aime, mais il n’y a entre eux rien d’officiel. Les Tangérois en ont reçu en héritage la liberté d’esprit et l’exigence de la diversité et du choix. La ville a aussi donné naissance à des réalisateurs : Farida Benlyazid, Moumen Smihi, Jilali Ferhati, Mohamed Tazi… et parfois en a adoptés, comme André Téchiné. En sont aussi originaires les costumiers et comédiens Souad Ferhati, Khadija El Hmam, Mustapha Bouih Ouchama, Bachir Skiredj, Larbi Yacoubi.
Le cinéma est inséparable du vocabulaire tangérois. Ainsi, chez les quarantenaires, on dit toujours des “Django”, un personnage du western spaghetti du même nom, pour parler des cow-boys. Et désormais, on explique aux visiteurs américains que Matt Damon est un ami et que pendant le tournage de The Bourne Ultimatum, en octobre 2006, il est devenu un Tangérois honoraire.

En 1897, les frères Lumière sont passés par Tanger, où ils auraient pris, dit-on, les premières images du Grand Socco (souk) et du Petit Socco, qui figureraient dans le film Le Cavalier marocain. Plus tard, dans les années trente, Gabriel Veyre, un de leurs anciens opérateurs, a filmé le quartier avec les premières pellicules couleur.

5En 1900, le premier spectacle de “moving image” à Tanger fut projeté au Liceo Rafael-Calvo, un petit théâtre près du musée de la Légation américaine. Il utilisait la « magia recreativa », composée de soixante-deux images animées. Ce théâtre est devenu La Zarzuela. En 1917, il ne présentait que du cinéma.

6En 1913, une autre salle, The Tivoli Theatre, construite en bois sur le front de mer, fut la première dédiée exclusivement au septième art. Quatre ans plus tard, elle brûlait. Le Teatro Cervantes, pour sa part, était à la fois un vrai théâtre et un cinéma. Il passait surtout des films espagnols et sud-américains.

7C’est pour voir ces grandes fresques, comme Hercules et Samson, que le grand-père d’Abdeljalil Ouahabi, l’actuel directeur du Roxy et du Tarik, le conduisait par la main au cinéma durant les week-ends de sa jeunesse. Le vieux monsieur ne comprenait pas les langues des dialogues, mais cela ne l’empêchait pas d’aimer le cinéma.

8En 1929, le Cervantes a montré le premier film parlant à Tanger. L’Alcazar a été célèbre pour ses westerns spaghettis. Le Rif a commencé avec des films américains ; il est très vite passé aux films arabes, égyptiens et libanais, puis aux productions de Bollywood. Le Grand Socco abritait beaucoup de magasins indiens à cette époque. Le Goya, construit dans les années quarante, faisait partie du réseau de distribution de la péninsule Ibérique et fonctionnait comme n’importe quel autre cinéma espagnol.

9Le Mauritania, le Lux, le Goya et le Paris diffusaient des films européens lorsque Tanger était une zone internationale, mais quand les Occidentaux ont commencé à partir, les cinémas se sont vidés. Ils ont donc adapté leur programmation à la demande du public : toujours les films égyptiens ou de Bollywood, auxquels s’ajoutèrent, dans les années soixante-dix/quatre-vingt, des films de karaté produits à Hongkong. Ce sont les ciné-clubs qui ont alors assuré la diffusion des classiques.

Collection

Documents Villes

Titre

Tanger fait son cinéma. Portrait de la ville en images.

Titre Alternatif

in Revue " La pensée de midi" 2008/1

Format

N° 23, pp. 80-89

Droits

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