Description

Auteur de référence du cinéma moderne dès ses débuts en 1950 avec Chronique d'un amour, un film qui « marque la fin du néoréalisme et la naissance d'une nouvelle ère du cinéma italien », Antonioni a écrit certaines des pages les plus intenses et les plus profondes du cinéma des années 1960 et 1970, en particulier grâce à sa célèbre « trilogie de l'incommunicabilité », composée des trois films en noir et blanc L'avventura (1960), La Nuit (1961) et L'Éclipse (1962), mettant tous trois en vedette la jeune Monica Vitti, à l'époque la compagne d'Antonioni. Considéré comme l'auteur des premières œuvres cinématographiques qui traitent des thèmes modernes de l'incommunicabilité, de l'aliénation et du malaise existentiel, Antonioni a réussi à « renouveler la dramaturgie cinématographique » et à créer une forte « perplexité » parmi le public et la critique, qui ont accueilli ces œuvres « formellement très novatrices » de manière « contrastée ».

Il a obtenu de nombreuses récompenses, dont l'Oscar d'honneur en 1995 et le Lion d'or pour l'ensemble de sa carrière à la Mostra de Venise 1997. Il est un des rares réalisateurs, avec Robert Altman, Henri-Georges Clouzot et Jean-Luc Godard, à avoir remporté les trois plus hautes récompenses des principaux festivals européens que sont Cannes, Berlin et Venise.

Style

Michelangelo Antonioni est selon le critique José Moure un « cinéaste de l'évidement ». Les lieux, les personnages et la narration avancent, au cours de ses œuvres, vers l'absence, l'abandon et la désaffection. Cela va de la plaine vide du Pô dans Gens du Pô, au désert de Zabriskie Point et de Profession : reporter, en passant par la banlieue délabrée de La Nuit et le parc vide de Blow-Up.
Si Antonioni utilise le média cinéma pour dérouler une narration longuement détaillée des relations entre ses personnages, il s’engage systématiquement dans une exploration photographique du cadre de ses films. Ce passage continuel entre le mouvement du récit et une observation méditative du champ filmique s’appuie dans ses premiers films sur un emploi très limité des mouvements de caméra. À la manière de Yasujirō Ozu, son cadrage fixe préexiste souvent à l’arrivée des acteurs et subsiste après leur départ. Le cinéaste scrute à la fois toute la gamme des expressions de ses acteurs et invite le spectateur, par des successions de plans fixes, à observer, sur de longues séquences, les lieux du récit. Cet attachement à un média quasi-photographique, qui n’impose pas une lecture passive, donne aux films d’Antonioni une facture encore particulièrement moderne. Cette attention portée au séquençage d’images fixes, qui libèrent l’errance du regard, traverse son œuvre et se renouvèle avec l’irruption de la couleur. Avec son premier film en couleur (Le désert rouge, 1964), Antonioni cède, comme ses contemporains (Jean-Luc Godard, Jacques Demy), à un interventionnisme par touches, ou plus global, sur la couleur de ses décors. Avec Blow-up (1966), dont le personnage est inspiré du photographe David Bailey, c'est le noir et blanc qui est réinséré dans un univers coloré par le biais des costumes, des maquillages et de certains décors.
La camera d'Antonioni se libère alors pour suivre le mouvement de son personnage principal : panoramique, travelling, camera portée ou embarquée, zoom, le réalisateur explore le champ des possibilités techniques. Mais aucun de ces effets de tournage n'est gratuit, il accompagne, les gestes, les mouvements, les translations ou imprime un rythme. Dans les scènes d'émeutes à Los Angeles (Zabriskie Point, 1970), ses prises de vues évoquent clairement un reportage journalistique, le procédé est repris quelques années plus tard (Profession : reporter, 1975), et son recours au support vidéo (emprunt réel ou factice) brouille les pistes d'un tournage fictif classique et empile les points de vue du récit. Pour la mise en image de Zabriskie Point, Antonioni se frotte à l'univers de la photographie américaine (Robert Frank, Saul Leiter, Ernst Haas) : les couleurs se saturent, les focales longues écrasent les plans qui tendent à l'abstraction. Il joue de l'accumulation des messages visuels, essentiellement publicitaires, pour souligner les dissonances entre une société de consommation débridée et les aspirations individuelles émergentes de l'époque. À ce stade de son travail, chaque plan fixe se prête à l'analyse photographique : rappel de couleur, décadrage, écrasement de perspective, zones de flou, contraste d'exposition, le réalisateur soigne sans relâche son cadrage. La recherche photographique d'Antonioni donne une importance prégnante à ses lieux de tournage, des sites alternant entre une exiguïté où les personnages s’entrechoquent et des terrains vastes où l’individu n’a plus de réelle prise, à la lisière entre des parcelles déjà modernisées par la civilisation industrielle et des espaces encore en devenir, vagues et indécis.
Le champ filmique d’Antonioni est souvent érigé en topos. Le parc de Blow-Up où se déroule le crime est l’objet d’une inspection méticuleuse avant et après les événements. Clos comme une scène, le lieu devient le motif d’une mise en abyme totale. Antonioni filme le site, filme un photographe à l’œuvre sans intention précise avant que les images prises soient elles-mêmes scrutées en agrandissements progressifs jusqu’à l’émergence d’un indice. De l’observation, de la réflexion semble inéluctablement se détacher une vérité. C’est bien la narration qui dirige le récit sur un lieu, mais le constat final, car la caméra revient toujours sur le site, ne montre plus de trace de l’intervention humaine, trop fugace, sans impact sur l’espace et le temps. Dans L'Éclipse (1962), le lieu du premier baiser entre Monica Vitti et Alain Delon est longuement revisité par des multiples plans fixes, utilisant tous les points de vue, toutes les focales et toutes les heures de la journée pour une autopsie photographique complète du site. Le lieu aura existé fortement dans la relation des personnages, il en reste un indice (un bout de bois que Monica Vitti jette dans un tonneau d’eau), mais sa disparition est inéluctable. Ainsi, la scène finale de Profession : Reporter (1975), se focalise totalement sur le topos, dans un mouvement célèbre de travelling avant passant à travers une grille séparant une pièce et une place extérieure, la camera progresse dans la durée et dans l'espace sans tenir compte de l’action. Le sort des personnages qui entrent et sortent du champ est scellé, puis la scène se vide sans que le drame n’en modifie l’essence.
Les personnages d’Antonioni sont souvent mus par une quête profonde et intime qu’ils tentent de définir. Ils nous apparaissent à des moments de rupture, relancés par une décision cruciale, mais se retrouvent ballotés par des évènements inattendus qui les engagent un temps et dont ils s’enfuient, pour finalement se retrouver dans leur incertitude initiale. Sam Shepard dans Zabriskie Point, dont le personnage conserve une attitude individualiste et décalée au sein des mouvements sociaux, dit : « une fois j'ai voulu changer de couleur [de peau], ça n'a pas marché, alors j'ai fait marche arrière ». L'usurpation d'identité opportune de Jack Nicholson dans Profession : Reporter relève de cette même quête identitaire. Elle anime aussi David Hemmings, dans Blow-Up, passant frénétiquement du milieu des apparences (la photographie de mode, en couleur) qu'il méprise visiblement à celui de la réalité sociale londonienne (photographiée en noir et blanc) dans laquelle il ne peut que s'immerger brièvement.
Dans un entretien accordé à Serge Kaganski en 2004, Jean-Luc Godard juge à regret qu'Antonioni est le cinéaste qui a le plus influencé le cinéma contemporain. Il considère par exemple qu'un cinéaste comme Gus Van Sant fait du « sous-Antonioni ».Source Wikipédia

Collection

Artistes

Titre

Antonioni, Michelangelo (1912-2007)

Titre Alternatif

Réalisateur et scénariste italien.

Droits

Non libre de droits