Description

[Résumé]
Après une évocation de l’histoire du cinéma amateur en Tunisie, son enjeu politique, son organisation et ses valeurs, nous évoquons la place et les différentes trajectoires des femmes dans la Fédération des Cinéastes Amateurs (FTCA). À travers une enquête de terrain menée sur deux ans, nous analysons les dimensions genrées des interactions sur les tournages, du rapport au cinéma amateur et des films réalisés. Malgré une adhésion aux valeurs de la FTCA partagée par les cinéastes hommes et femmes, cette recherche fait apparaître des rapports asymétriques qui rendent la position des cinéastes amateures plus fragile, le fait d’une posture militante hégémonique qui fédère les énergies sans que les femmes ne se sentent jamais la légitimité de revendiquer une perspective de femmes dans les films qu’elles réalisent.
[Abstract]
After a brief introductory history of the organisation, values and political engagement of amateur filmmaking in Tunisia, this article examines the place and trajectories of women in Tunisia’s Federation of Amateur Filmmakers (FCTA). Based on a two-year project of fieldwork in Tunisia, we analyse the gendered dimension of interactions on the film set as well as the relationship of women to amateur cinema and its productions. Despite the shared values of filmmakers in the FTCA, this study brings to light the asymmetry of the gender relationship, rendering the situation of women filmmakers more precarious than their male counterparts. We argue that the hegemonic militant posture of the FTCA that federates the efforts of the filmmakers as a group makes it difficult for women filmmakers to feel legitimate in promoting issues that are relevant from the women’s standpoint.

[Extrait]
Dans cet article, nous nous arrêterons sur le « cinéma amateur » en Tunisie, une organisation et une pratique dont l’histoire a largement contribué à nourrir et modeler un cinéma national. Un tel projet nous semble d’autant plus nécessaire que des approches centrées sur l’analyse des longs-métrages tendent à construire implicitement de « petits cinémas »(Hjort et Petrie, 2008) à l’image de cinématographies nationales plus développées alors même que ces filières cinématographiques très fragiles, donc moins structurées sont soumises aux aléas de politiques nationales et transnationales qui excluent la pérennité des financements. Dans de tels fonctionnements, la distinction entre l’amateur et le professionnel souvent floue s’estompe par l’interpénétration des deux statuts, qu’ils soient le fait de volontés politiques ou de contraintes économiques. Tout en reconnaissant l’apport de recherches fondatrices sur le rapport entre cinéma et amateur à travers le film de famille et les usages privés du film (Odin, 1995) ou l’esthétique de la réception (Allard, 1994) particulièrement fécondes à un moment où il s’agissait en France de desserrer le carcan élitiste des conceptions dominantes dans les recherches sur la culture, le « cinéma amateur » en Tunisie, petite organisation dotée de puissants relais, nous invite à nous déprendre du caractère marginal qui y est associé. En l’absence des actes du colloque organisé à Tours en 2015 (Briggs, 2015), nous manquons d’un cadre conceptuel suffisamment solide pour aborder le rapport entre l’amateur.e et le cinéma aujourd’hui, mais nous tenterons néanmoins de mettre à l’épreuve du genre la conception et la pratique du cinéma que partagent aujourd’hui les jeunes cinéastes amateurs. Pour ce faire, nous resituerons brièvement le cinéma amateur dans une histoire du cinéma tunisien, la place des femmes dans celui-ci, avant d’aborder les différentes facettes sexuées et genrées de l’expérience des cinéastes amateurs aujourd’hui ainsi que des films réalisés.
C’est par le ‘A’ de ‘Amateur’ qu’Hédi Khélil commence sont Abécédaire du cinéma tunisien (2007), ma (...)
La Tunisie est caractérisée aujourd’hui comme hier par un tissu associatif très actif souvent décrit comme un espace de débat politique de substitution dans un pays longtemps aux prises avec un régime autoritaire. Tahar Cheriaa, figure tutélaire du développement d’un cinéma national, avait fait de la Fédération Tunisienne des Ciné-Clubs (FTCC), créée en 1950, un acteur essentiel de l’éducation au cinéma et de l’intégration du cinéma arabe dans celle-ci, ce qu’il considérait comme un des enjeux importants de la lutte pour l’indépendance non seulement politique mais aussi culturelle (Cheriaa, 2010). Il en est de même pour la Fédération Tunisienne des Cinéastes Amateurs (FTCA) initialement appelée Association des Jeunes Cinéastes Tunisiens (AJCT), créée douze ans plus tard, qui constitue avec l’Association Tunisienne pour la Promotion de la Critique Cinématographique (ATPCC) créée en 1986, deux autres piliers du développement d’une culture et d’une pratique du cinéma exigeante destinée à accompagner la construction nationale

Table des matières

Titre

S’imaginer en cinéma. Les hésitations genrées des cinéastes amateurs en Tunisie

Titre Alternatif

in Varia, Revue "Genre en séries, cinéma, télévision, médias", Masculinités imag(in)les 2

Date

2017/5

Langue

Format

N°2, PDF, 18 pages

Identifiant

https://doi.org/10.4000/ges.900

Source

Lire sur journals.openedition.org (consulté le 2 juillet 2023)

Droits

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