Description

[Résumé]
L’article propose de traiter de la poésie féminine de tradition orale, partie intégrante de la mémoire culturelle et de l’imaginaire collectif. Le modèle andalou qui a marqué de son sceau la majeure partie des répertoires citadins du Maghreb a influencé les corpus féminins, comme conséquence directe de la Reconquista. Par ses caractéristiques formelles et fonctionnelles, cette poésie pose un certain nombre de questions que des recherches antérieures n’ont pas résolues, d’où la nécessité pour l’auteur de dégager certains aspects littéraires et anthropologiques de cette poésie. Après avoir comparé les deux univers culturels celui occidental et celui arabo-musulman, il conclut que grâce aux différences civilisationnelles et religieuses, ces deux univers sont différents (au sens de Derrida). Ainsi, dans cette perspective, et du fait du métissage opéré au niveau du poème classique arabe, le discours qui s’offre à nous s’organise entre le dire et l’interdit, l’ouverture et la clôture, la transparence et l’opacité. Le développement rapide des villes au Maghreb a contribué dans l’évolution de ce genre poétique, qui est le symbole d’une domination statutaire inhérente à la condition juridique de la femme en Islam et de la domination symbolique du fait de la prégnance et de l’attraction des modèles esthétiques proprement masculins (andalous ou dérivés…).
[Abstract]
The article suggests considering female poetry of oral tradition as an integral pert of the cultural memory and collective make belief. The Andalou model left its stamp on the main part of citizen repertories in the Maghreb, and influenced the female corpus, as a direct result of the Reconquista. By its formal and functional character, this poetry raises a certain number of question that previous research didn’t solve, whence the necessity for the writer to emerge certain literary and anthropological aspects of the poetry.
After having compared the two cultural universes that of the occident, and the Arabo-moslem one, he concludes that thanks to the civilizational and religious difference, those two universes are different in the sense of “Derrida” Thus ; in this perspective and from the fact that cross breeding operated the level of classical Arabic poetry, the discourse which is offered centres between “The word” and “the forbidden”, “Aperture” and “enclosure”, transparency and opacity. The rapid development of towns in the Maghreb contributed to the evolution of this type of poetry, which is the symbol of an inherent statutory dominant in juridical conditions of women in Islam, and the symbolic dominations owing to the importance and the attraction of aesthetic models proprely masculine (Andalous or derivatives).

[Résumé en arabe]
يحاول المقال التطرق للشعر النسوي ذي التقليد الشفوي، باعتباره جزءا لا يتجزأ من الذاكرة الثقافية و المخيال الجماعي. لقد طبع النموذج الأندلسي أغلبية الأشعار الحضرية بالمغارب العربي، و أثر في المتن الشعري النسوي، كنتيجة مباشرة لسقوط الأندلس. و انطلاقا من الخصائص الشكلية و الوظيفية الذي تميز هذا الشعر، يطرح هذا المتن العديد من المسائل التي لم تجد حلولا في الأبحاث السابقة، و عليه يحاول المؤلف استخلاص بعض الجوانب الأدبية و الأنتروبولوجية لهذا الشعر. وبعد أن قارن بين العالمين الثقافيين للغرب و للعالم العربي الإسلامي، يستخلص صاحب المقال أن هذين العالمين مختلفان بناء على الاختلافات الحضارية و الدينية الموجودة بينهما. و انطلاقا من هذا الآفاق، و من التهجين الموجود على مستوى القصيدة العربية التقليدية، فإن الخطاب الذي نتلقاه ينتظم بين القول و الحظر، بين الانفتاح و الانغلاق، بين الشفافية و الغموض. أسهم التطور السريع للمدن بالمغرب العربي في تطوير هذا الجنس الشعري، الذي يمثل رمزا للهيمنة الاجتماعية المتعلقة بالشرط القانوني للمرأة في الإسلام و الهيمنة الرمزية للنماذج الجمالية الذكورية (الأندلسية أو مشتقاتها) التي تتميز بسيطرتها و جاذبيتها على الشعر النسوي.

[Extrait]
La joie régnait dans mon jardin et l’envie chez mes voisines
J’étais contente de mon sort et mon sommeil était un sommeil paisible
Maintenant, ô serviteurs de Dieu, voyez-vous l’état où je suis
Depuis que Dieu m’a affligée de l’amour de ce bel étranger.
Quatrain algérois (buqâla)

Au Maghreb, la poésie féminine de tradition orale reste un domaine largement sous-évalué et sous-étudié. A l’exception de rares tentatives individuelles ou quelques démarches collectives, ce vaste continent poétique demeure quasiment inexploré et déserté par la recherche. Ce désintérêt — pour ne pas parler de discrédit — est évidemment préjudiciable à une meilleure connaissance de la production culturelle de notre région et à une perception plus fine de son histoire intellectuelle et artistique. De plus, les jeunes générations se voient ainsi privées d’un accès privilégié à la mémoire culturelle et à l’imaginaire collectif de leurs ancêtres ainsi que d’une source inépuisable de plaisir et de jubilation esthétique.
Pourtant, cette parole ancestrale n’est pas morte ! Elle reste bien vivante dans le souvenir de beaucoup de mères et de grands-mères. En fait, il suffit de quelque occasion fortuite ou solennelle (mariage, veillée familiale, pèlerinage) pour voir ressurgir les rimes et les chants que l’on croyait disparus. C’est alors, au cœur d’un quotidien trop souvent affligeant, un émerveillement toujours renouvelé que d’écouter se dérouler le fil du poème et de retrouver les images sublimées d’un passé révolu : échos des patios andalous, réverbérations savantes d’un art empreint de tout le bonheur et de toute la nostalgie du splendide exil occidental, merveilles d’un âge d’or que la conscience arabe n’a cessé de magnifier à l’instar d’un miracle, célébrant jusqu’à l’ivresse cette rencontre inouïe d’un Orient légendaire et d’une Afrique millénaire en terre d’Occident.
[...] En définitive, à les écouter avec attention, ces ‘arûbî-s ne cessent de raconter l’histoire d’un rêve impossible. Pour reprendre les propos de Paul Zumthor à propos de la voix, « ce qu’[ils] nous livre[nt], antérieurement et intérieurement à la parole qu’[ils] véhicule[nt], c’est une question sur les commencements : sur l’instant sans durée où les sexes, les générations, l’amour et la haine furent un. » A la différence du texte andalou qui se déploie dans la plénitude que confèrent seuls le prestige d’une forme et la force d’un statut socioculturel dominant, les ‘arûbi-s ne peuvent (ni ne veulent apparemment) prétendre qu’à la fragmentation de l’œuvre et à la dissémination du sens. Pourtant, au sommet de son chant, le poème ouvre l’imaginaire à l’infini du désir. Avec une étonnante délicatesse et une habileté remarquable, cette parole "mineure" renverse subtilement les figures de la fiction identitaire, acculant souvent le discours dominant aux frontières de l’absurde — sans jamais pourtant l’y réduire tout à fait — dans une démarche transversale qui prend, par instants, des aspects d’une étonnante modernité.

Table des matières

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FEMME
Algérie
LITTÉRATURE

Titre

Le ‘arûbî féminin au Maghreb. Tradition orale et poétique du détour.

Titre Alternatif

The Female “Arûbi” in the Maghreb. Oral tradition and Detour Poetics El « ‘arûbî » femenino en el Magreb. Tradición oral y poética del rodeo
"العروبي" النسوي بالمغرب العربي : التقليد الشفوي و شعرية الخفاء والتجلي

in Revue "Insaniyat / إنسانيات" 2003 L’Imaginaire : Littérature – Anthropologie

Éditeur

Revue "Insaniyat / إنسانيات ", Revue algérienne d'anthropologie et de sceinces sociales

Date

2003 /21
Online since 30 September 2012

Langue

Format

pp. 37-53

Identifiant

doi.org/10.4000/insaniyat.7334

Source

Lire sur journals.openedition.org (consulté le 5 juillet 2023)

Droits

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