Description

[Résumé]
Les femmes sont naturellement associées à la production culturelle en particulier dans le secteur traditionnel. Comment ne pas établir de lien entre femmes et artisanat ? La poterie, le tissage, la décoration des murs, des jarres à grains, la broderie, etc., est principalement le fait des femmes en de nombreuses cultures. C’est aussi le cas dans de nombreuses régions du monde berbère et bien entendu celles que nous étudions comme la Kabylie. L’objet de cet article qui s’opère au niveau du travail matériel physique concerne aussi la production intellectuelle. Sans entrer dans les détails, j’essaierai de montrer comment les femmes parviennent à exister en tant que productrice et les obstacles qu’elles ont dû franchir pour exister en tant que telles.
[Abstract]
Women are naturally associated with cultural production, especially in the traditional area. A close relation between women and folk art is easily established. Pottery, weaving, decoration of walls and grain jars, embroidery, etc., are the domain of women in many cultures. This is the case in many regions of the Amazigh or Berber, world, including the region studied here – Kabylia. The objective of the article is to show how the division of labor between sexes that applies to physical and material production also applies to intellectual production. Without getting into the details, I will try to show how women succeed in existing as producers and the obstacles that they had to overcome to exist as such.
[Extrait]
La Kabylie a connu des femmes-poètes comme Yemma Khelidja Tukrift. Dans chaque village, il arrive que les habitants signalent l'existence d'une ou de plusieurs poétesses qui se distinguent du lot. Cependant, leur renommée ne dépasse guère le cadre du village (au sens de la taddart kabyle) ou de la tribu. Signalons que ces femmes sont versées en général dans une thématique en adéquation avec les valeurs reconnues du groupe : religion, morale, épopée. Elles quittent la sphère stricte de la «féminité»(au sens de tâches dévolues) pour celle plus large de la religiosité. C’est déjà reconnaître un lien implicite avec le piège de la communauté, car pour sortir du cadre étroit de la féminité et acquérir la parole (la parole masculine), elles consentent à intégrer dans leur vision du monde les schèmes de perception, d’appréciation et d’action des dominants dont elles sont les porte-parole mandatés, des porte-parole d'autant plus efficaces qu'elles sont dominées.
La poésie orale tout comme la parole obéit à des codes très stricts. L’importance de la parole est le fidèle reflet du statut du locuteur. Elle a ses propres canaux d’émission et de transmission. Marquée par les conditions sociales et culturelles de conception et d’émission, elle peut donner du crédit, du capital social symbolique, comme elle peut vouer son prétendant au châtiment, à la malédiction, à la ruine. Savoir parler, c’est avoir le sens de la répartie et mettre de son côté les hommes, se faire des alliés, mais c’est aussi posséder le monde (bab n yiles medden akw ines, « celui qui possède la langue possède les hommes », dit le proverbe). La poésie féminine joue donc ce double rôle,celui de conforter l’ordre dominant, parce que cet ordre constitue pour elle une référence, et celui de dénoncer son dysfonctionnement, ses injustices et ses hypocrisies. Les femmes représentent ainsi malgré elles ce corps dominé mais révélateur d’une histoire collective inscrite dans les structures sociales et mentales de tout le groupe. Ce sont elles qui vont permettre de mettre en évidence cette dualité à travers la poésie orale, cette dernière obéissant à des codes très rigoureux

Titre

Femmes et espace poétique dans le monde berbère

Titre Alternatif

in Revue "Clio", Création Litttéraire, Femmes au Maghreb, 1999/9

Éditeur

Revue "Clio", Femmes, Genre, Histoire

Date

1999 / 9
mis en ligne le 22 mai 2006

Langue

Format

PDF

Identifiant

https://doi.org/10.4000/clio.287

Source

Lire sur journals.openedition.org (consulté le 5 juillet 2023)

Droits

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