Description

[Extrait]
La présence de personnages orientaux dans l’art européen est à la fois ancienne et récente. Dès le XVIe siècle, l’art britannique s’ouvre à la représentation de personnalités exotiques : en 1549, l’Anversois devenu anglais Hans Eworth (actif de 1540 à 1574) peint ainsi un superbe portrait équestre qu’on pense être celui de Soliman le Magnifique2. Cet exemple reste néanmoins exceptionnel. Il faut attendre le XVIIe siècle pour voir se manifester un intérêt plus large pour le véritable costume oriental, mais porté par d’honnêtes sujets des royaumes européens. Sir Robert Shirley, ambassadeur de Perse auprès du Pape, commande ainsi à plusieurs artistes (dont Van Dyck), un portrait de lui-même et un autre de son épouse, celle-ci n’étant d’ailleurs pas déguisée, puisqu’elle était circassienne. Ce phénomène de cross-dressing se prolonge tout au long du XVIIIe siècle : de nombreux voyageurs rapportent des costumes nationaux dont le port les délasse agréablement de l’uniforme noir imposé aux hommes. Même les dames en villégiature au Proche-Orient succombent aux attraits des robes de sultane. En 1782, Reynolds peint un superbe portrait3 de celle qu’on appelait à Londres the pretty Greek, « la jolie Grecque », vêtue d’un caftan vert et or et coiffée d’un turban. Cette prétendue Orientale s’appelait en fait Jane Baldwin et, bien qu’elle fût née à Smyrne, ses parents étaient originaires du Yorkshire.

Au XIXe siècle, les artistes sont de plus en plus nombreux à se rendre en Orient : Gerald Ackerman, auteur d’ouvrages consacrés aux Orientalistes britanniques et américains, a ainsi pu étudier le parcours de quelques centaines de peintres et dessinateurs anglophones qui ont accompli ce périple entre 1809 et 1914. Un souci d’authenticité commence à se manifester, certains artistes employant, non sans timidité, des modèles « ethniques » qui rompent avec les habitudes de représentation. Pourtant, malgré cette possibilité nouvelle d’observer l’homo orientalis sur le terrain, la plupart des artistes se plient aux attentes de leurs contemporains et n’offrent au public que du « déjà-vu », dans le sens où leurs œuvres confirment les préjugés en vigueur. C’est surtout dans la représentation des femmes que ces contraintes se font sentir : les peintures, aquarelles et photographies alors produites prolongent et renforcent les stéréotypes courants, donnant l’image d’un univers de sensualité prêt à consommer pour l’homme, qu’il soit sultan oriental ou amateur d’art occidental.

Table des matières

Introduction
Première partie. Un Orient connu… et fantasmé
1. Collection, exploration et vulgarisation
2. Les femmes d’Orient vues par les hommes d’Occident
3. Dadd et Tissot, le harem et la crèche
Deuxième partie. Réactiver les mythes
4. La Jérusalem révélée de Thomas Seddon
5. Sir David Wilkie à la conquête de la Terre sainte… et de l’Europe
6. Julia Margaret Cameron, photographe à Ceylan
Troisième partie. Appropriations de l'Orient
7. Val Prinsep, peintre du Grand Assemblage de Delhi
8. Traduire c’est trahir : des Arabian Nights aux Rubaiyat of Omar Khayyam
9. Après Byron, le conte oriental victorien
Quatrième partie. Le grand désenchantement
10. « Tu n’as rien vu à Constantinople » : Thackeray au Proche-Orient
11. L’Orient désorienté dans la fiction d’Anthony Trollope
12. Kipling, la fin d’une certaine idée de l’Orient
Conclusion
Bibliographie
Cahier d’illustrations
Table des illustrations

Titre

Les femmes d’Orient vues par les hommes d’Occident

Créateur

Éditeur

Grenoble, UGA Éditions, Collection Vers l'Orient
Publication sur OpenEdition Books : 28 février 2017

Date

2010

Langue

Format

p. 39-56, 241 pages

Identifiant

DOI : 10.4000/books.ugaeditions.426

Source

books.openedition.org (consulté le 25janvier 2024)

Droits

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