Description

Raoul Dufy peignit inlassablement dans les Années folles l'arrondi de la Promenade des Anglais de Nice, avenue bordant la mer avec ses palmiers stylisés et ses silhouettes d'élégantes ourlées de noir. Une fascination, exprimée en couleurs éclatantes, exposée tout l'été au musée des Beaux-Arts Jules Chéret de Nice.

L'éclectique Raoul Dufy (1877-1953) - peintre, dessinateur, illustrateur, céramiste, décorateur, créateur de tapisseries et de tissus - peignit inlassablement dans les Années folles l'arrondi de la Promenade des Anglais de Nice, avenue bordant la mer avec ses palmiers stylisés et ses silhouettes d'élégantes ourlées de noir. Une fascination, exprimée en couleurs éclatantes, exposée tout l'été au musée des Beaux-Arts Jules Chéret de Nice.

Raoul Dufy avait commencé par croquer la mer dans sa ville natale du Havre.

Il a la cinquantaine lorsqu'il vient à Nice en 1926, après un voyage au Maroc avec son ami le couturier avant-gardiste Paul Poiret, pour lequel il dessine des textiles. Il reviendra les deux années suivantes en 1927 et 1928 avec son épouse niçoise Émilienne (puis en 1933 et 1940).

Dufy va renoncer à Nice à son contrat signé en 1912 avec le fabriquant de soieries lyonnais Bianchini-Ferrier, qui l'engageait à livrer 8.000 motifs de tissus tous les ans. L'artiste veut se consacrer à nouveau à la peinture et expérimente en réalisant des séries.

Il a été influencé à ses débuts par l'impressionnisme, puis par le fauvisme de Matisse, avant une attirance passagère pour le cubisme de Cézanne.

A partir du milieu des années 1920, son style s'affirme avec ses grandes bandes horizontales ou verticales de couleurs vives arbitraires, violettes, rouges, bleues, vertes, qui sont dissociées du dessin fait au pinceau. Dufy est resté dans les mémoires comme le peintre de la "couleur-lumière", rappelle Marie Lavandier.

Positionné d'une fenêtre de l'Hôtel Suisse de Nice, avec sa vue plongeante englobant l'ensemble de la baie des Anges, le peintre émerveillé peint toute une série de Promenades des Anglais stylisées et joyeuses.

De sa palette nait une déclinaison infinie de bleus éclatants, virant au vert émeraude. Pour faire ressortir l'aveuglante lumière méditerranéenne, il utilise l'encre de chine noire pour dessiner les contours de la plage, les ombrelles des promeneuses, voire les vaguelettes, souligne Marie Lavandier.

- "Couleurs vives dissociées du dessin" -

Dufy peint aussi à Nice un thème récurrent de son œuvre : une pièce intérieure avec une fenêtre ouverte sur la mer, permettant de jouer entre mobilier et paysages.

Ses tableaux intérieurs chatoyants - comme "La fenêtre ouverte à Nice" (prêt du MoMa) - rappelle à s'y méprendre des oeuvres de Matisse peignant derrière ses persiennes dans la ville. Les deux artistes reposent tous deux dans le cimetière Cimiez de Nice.

Dufy peint aussi sous tous les angles l'ancien casino Belle époque de la jetée-promenade, aux allures de palais oriental, construit sur pilotis au-dessus de la mer et détruit par les Allemands en 1944. Il reprendra le motif dans toute une série de tableaux de 1948, réalisés après la destruction de l'édifice.

L'artiste entreprend en effet la plupart de ses toiles en atelier, comme en attestent ses carnets de croquis dans lesquels il annote précisément couleurs et impressions. La pratique permet de mêler imaginaire et réel.

Ce coin de Méditerranée est aussi l'occasion d'accroître sa palette de motifs marins et niçois - poissons, palmiers, baigneuses, coquillages, vagues et même le casino - qu'il utilise dans la création de tissus et de céramiques, très présents dans œuvre.

Ébloui par la vision de la baie des Anges depuis l’hôtel Suisse, Dufy la peint inlassablement en 1926 et 1927. S’il expérimente quelques points de vue différents, notamment depuis les Ponchettes avec quelques barques au premier plan, Dufy répète surtout une même vue, où l’ensemble de la Baie s’arrondit sur la droite, tandis que s’étagent, horizontales et parallèles, d’abord la Promenade des Anglais jalonnée de silhouettes élégantes, chapeautées, portant parfois ombrelle, et de calèches et chevaux, puis une balustrade, enfin la mer festonnée de collines. L’ensemble est barré de palmiers, deux, trois, cinq à l’écorce et aux palmes précisés d’un cerne noir pur. Ce noir est parfois repris pour peindre la plage, meilleur moyen expliquait Dufy qu’il ait trouvé de représenter la lumière la plus forte. Au loin, légèrement décalée vers la droite, se devine dans ces Baies la silhouette d’un monument qui hantera l’œuvre de Dufy jusqu’à sa mort : le casino de la jetée-promenade.

Dufy s’empare de ce bâtiment éclectique construit sur pilotis dans les années 1880, le pare d’ors ruisselants, le transforme en palais des mille-et-une-nuits, veillant sur quelques carnavaliers costumés en Pierrot ou Arlequin, à la lueur d’improbables couchers de soleil, clairs de lune ou feux d’artifice rougeoyants.

Longtemps après que l’artiste s’est éloigné de Nice, longtemps même après que le Vieux Casino a disparu, détruit par les Allemands en 1944, Raoul Dufy le peint, le dessine, silhouette orientale et fantomatique, notamment dans de vifs dessins à l’encre.

Néanmoins, ce qui se dévoile dans ces travaux niçois, c’est aussi la genèse de l’œuvre de Dufy, sa capacité à mobiliser ses souvenirs de paysages, de couleurs, de lumière, de motifs afin de nourrir ses compositions, peintes, rappelons-le, après-coup en atelier comme en témoignent ses carnets de croquis emplis d’annotations de couleurs. Originaire du Havre, il recyclera sa vie durant des motifs marins, baigneuses, coquillages, vaguelettes, que l’on retrouve durant les années niçoises. Les fenêtres ouvertes, thème central de son œuvre, se déclinent également sur la Manche comme sur la baie des Anges. Apparaissent toutefois à Nice persiennes, découpant étrangement la vue extérieure comme la lumière intérieure, et rideaux de dentelles.

Véritables icônes de la Côte d’Azur, ces vues de Nice révèlent ainsi ce véritable laboratoire de motifs que Dufy crée dès ses débuts et que toute sa vie il recyclera.

Titre

La Baie des Anges à Nice

Date

1927

Format

Aquarelle

Dimensions

50 x 65 cm

Source

Centre Pompidou (consulté le 30/03/2020)

Crédit photographique : © Muriel Anssens - Ville de Nice
© Adagp, Paris

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