Description

La Méditerranée considérée comme une chambre d'échos : 24 pays où s'écrivent et se parlent une quinzaine de langues. Cette anthologie accueille les voix de toutes les rives qui entrent en résonance autant qu'en dissonance, en amitié autant qu'en opposition ou en défiance. Les poètes de Grèce, de Chypre, de Turquie, de Syrie, du Liban, d'Israël, de Palestine, d'Égypte, de Lybie, de Tunisie, d'Algérie, du Maroc, du Portugal, d'Espagne, de France, d'Italie, de Malte, de Croatie, de Slovénie, de Bosnie, de Serbie, du Monténégro, d'Albanie et de Macédoine ne cherchent pas d'accord factice autour d'une mer commune et sous un même ciel, ils disent un réel disparate, souvent déchiré, rarement réenchanté ; ils disent et révèlent l'espace d'aujourd'hui dans le respect ou la dilapidation de tous les héritages.
L'éditrice Eglal Errera l’a conçue comme un périple d’Athènes à la Macédoine en passant par la Turquie, le monde arabe, Israël, la péninsule ibérique, la France, l’Italie. Vingt-quatre pays chantés par leurs villes mythiques davantage qu’à travers l’idée de nation. Des pays qui ont tous façade sur mare nostrum comme on a pignon sur rue. Des cités, des ports, des villages parcourus par ce frémissement qu’André Velter appelle« la rumeur des langues ». Ce recueil en compte dix-sept dans sept alphabets. Le monde méditerranéen est un creuset dont l’or est fait de toutes ces langues. 

On y croise cent un poètes sur quatre générations, Kiki Dimoula, Gulten Akin, Issa Makhlouf, Avrom Sutzkever, Ghassan Zaqtan, Tahar Bekri, Antonio Ramos Rosa, Tahar Ben Jelloun, Andrée Chedid, Jacques Roubaud, Milo de Angelis, Antonio Colinas, Blanca Andreu, Andrea Zanzotto, Miodrag Pavlovic, Ana Ristovic, Damir Sodan, Immanuel Mifsud….

[Extrait]
YVES BONNEFOY (1923-2016)
UNE VOIX
Souviens-toi de cette île où l'on bâtit le feu
De tout olivier vif au flanc des crêtes,
Et c'est pour que la nuit soit plus haute et qu’à l'aube
Il n’y ait plus de vent que de stérilité.
Tant de chemins noircis feront bien un royaume
Où rétablir l'orgueil que nous avons été.
Car rien ne peut grandir une éternelle force
Qu’une éternelle flamme et que tout soit défait.
Pour moi je rejoindrai cette terre cendreuse,
Je coucherai mon coeur sur son corps dévasté.
Ne suis-je pas ta vie aux profondes alarmes.
Qui n'a de monument que Phénix au bûcher?

Yves Bonnefoy. Extrait de "Les Poètes de la Méditerranée" (Poésie/Gallimard-2019). Yves Bonnefoy "Moins une mer que des rives"